TennisLettre ouverte à Rafa: muchas gracias!
Le joueur espagnol a peut-être disputé son dernier match sur son court fétiche, lundi soir à Roland-Garros. L'occasion de lui rendre hommage.
- par
- Renaud Tschoumy
Cher Rafa, permettez-moi ce diminutif que tout le public du court Philippe-Chatrier a scandé à l'unisson lundi soir. Permettez-moi aussi d'en rester au «vous» de rigueur, alors même que tout le monde s'accorde à se tutoyer dans le milieu qui est le vôtre (surtout), et parfois le mien (un peu).
La première - et seule - fois que j'ai croisé votre chemin, vous ne vous en souvenez forcément pas, c'était en 2009, en Australie, à l'autre bout du monde, «Down Under» comme ils disent là-bas.
Cette année-là, à Melbourne, vous aviez doublement écrit l'histoire. D'abord en venant à bout de votre compatriote Fernando Verdasco au terme d'une demi-finale de malade qui s'était achevée au milieu de la nuit après 5h14' de jeu - vous aviez avoué être arrivé à votre chambre d'hôtel à 7 heures du matin.
Et le lendemain, face à Roger Federer contre lequel vous restiez sur quatre victoires (dont deux en finale de Grand Chelem), vous aviez remis ça. Victoire en cinq sets (7-5 3-6 7-6 3-6 6-2) et 4h23' de jeu. La tension avait été telle que Federer avait craqué lors de la cérémonie protocolaire. «Mon Dieu, ça me tue», avait-il lâché avant de fondre en larmes. Du jamais vu.
Ce jour-là, cher Rafa, je vous en avais voulu. Mon âme de petit Suisse que j'étais - et que suis toujours, d'ailleurs - ne comprenait pas comment vous aviez pu commettre ce crime de lèse-majesté. Comment vous aviez osé battre le Maître dans un jardin qui n'était pas le vôtre. Et, comme Federer sur le court, j'en avais pleuré sur ma banquette de la Rod Laver Arena.
Mais lundi soir, ce lundi soir, après votre défaite face à «Sascha» Zverev au 1er tour de Roland-Garros, j'ai compris. J'ai compris à quel point vous aviez marqué l'histoire de ce sport qu'est le tennis, votre sport. Et à quel point vous étiez entré dans le cœur du public parisien, au fil de vos 14 succès Porte d'Auteuil. Comme tant d'autres, j'en ai pleuré devant mon poste de télévision.
Quand Zverev, qui venait de vous battre en trois sets, s'est retrouvé face au micro, selon un protocole clairement établi qui veut que le vainqueur s'exprime à même le court pendant que le vaincu s'en retourne aux vestiaires, il a été bien incapable de dire ce qu'il ressentait. «Ce moment n'est pas à moi, mais à toi Rafa», a-t-il simplement lâché en vous désignant, le tout après vous avoir longuement applaudi. Le comble pour quelqu'un qui venait de vous mettre la pâtée.
À ce moment-là, j'ai donc compris à quel point vous alliez nous manquer, cher Rafa, puisqu'il semble désormais inéluctable que vous vous apprêtez à débrancher la prise. Vous l'avez admis à demi-mots, après avoir accédé à la demande de la directrice du tournoi Amélie Mauresmo, qui vous a bien fait comprendre que vous ne pouviez pas partir comme ça. Pas sans dire un mot aux plus de 15'000 spectateurs présents qui vous offraient une standing ovation.
Vous seul savez si vous reviendrez à Roland-Garros, cher Rafa - ou peut-être ne le savez-vous pas encore vous-même. Cet été pour les Jeux olympiques, cela semble certain. Dans un an pour une nouvelle édition du Grand Chelem parisien, c'est moins sûr.
Quoi qu'il en soit, quelle que soit votre future décision, on ne vous en voudra pas. Et on ne pourra que vous dire un immense Muchas gracias pour l'ensemble de votre œuvre. Allez, on est même prêt à vous pardonner votre «offense» du 1er février 2009 à Melbourne...