Conflit au Moyen-OrientL'Iran a de quoi fabriquer trois bombes nucléaires
L’Agence internationale de l’énergie atomique s'inquiète de la situation, alors que la mort du président iranien a suspendu toutes négociations.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) espérait débloquer le dossier nucléaire iranien après le récent voyage en Iran de son chef. Mais la mort du président Ebrahim Raïssi a suspendu les discussions, au moment même où «l’inquiétude s’accroît» quant aux intentions de la République islamique, souligne le directeur général de cette instance de l'ONU, dans un document confidentiel consulté lundi par l’AFP.
Rafael Grossi évoque ainsi «de nouvelles déclarations publiques en Iran sur les capacités techniques du pays à produire des armes nucléaires, et de possibles changements de la doctrine nucléaire».
Une impasse
Téhéran a toujours nié vouloir se doter de la bombe mais dispose désormais d'assez de matière pour en fabriquer trois, dans un contexte de conflit au Moyen-Orient. «La situation actuelle n’est pas satisfaisante. Nous sommes quasi dans une impasse (...) et cela doit changer», avait déclaré Rafael Grossi, espérant des avancées d’ici au Conseil des gouverneurs prévu la semaine prochaine au siège de Vienne, en Autriche.
Mais l'accident d'hélicoptère du 19 mai, qui a coûté la vie à Ebrahim Raïssi et à son ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a compliqué la situation. «L’Iran a fait savoir qu’à cause de ces «circonstances particulières», il n’était pas approprié de poursuivre les discussions» et qu’une nouvelle date serait fixée ultérieurement, écrit l’AIEA.
Stocks toujours plus hauts
L’élection présidentielle en Iran est prévue le 28 juin et, pendant ce temps, le programme nucléaire du pays continue à monter en puissance. Les stocks d’uranium enrichi s’élevaient à 6201,3 kg le 11 mai, soit plus de 30 fois la limite déterminée par l’accord international de 2015, détaille l’AIEA. Ce texte était censé encadrer les activités atomiques de l'Iran, en échange d’une levée des sanctions internationales, sous la supervision de l’instance onusienne chargée de vérifier le caractère pacifique du programme nucléaire iranien.
L’Iran s’est affranchi progressivement des engagements pris dans le cadre de ce pacte et des discussions pour le ranimer, en 2022, ont échoué. De plus, les inspections des sites nucléaires ont été fortement réduites ces dernières années, des caméras de surveillance ont été débranchées et l’accréditation d’un groupe d’experts de l'AIEA a été retirée.
«Grand temps d'agir»
Dans ce contexte «sans précédent», le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne poussent pour une résolution condamnant cette escalade lors du Conseil des gouverneurs. Mais les Etats-Unis se montrent réticents, par peur d’envenimer les tensions géopolitiques actuelles au Moyen-Orient.
«Il est grand temps d’agir», réagit Kelsey Davenport, experte de l’Arms Control Association. Attendre ne fera «qu’exacerber les défis actuels» et envoyer «le signal que Téhéran peut bafouer ses obligations internationales en toute impunité», dit-elle. Selon cette spécialiste du dossier, les Etats-Unis devraient «mettre sur la table une offre» incluant un allègement des sanctions «pour désamorcer les tensions» et écarter «la menace d’un Iran doté de l’arme nucléaire».