Un jardinier indemnisé à titre posthume

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Exposé aux pesticidesUn jardinier indemnisé à titre posthume

Pascal a travaillé avec des pesticides sans protection pendant plus de vingt ans. La ville de Meudon condamnée.

Photo d'illustration. Pascal G., jardinier municipal avait contracté un lymphome causé par son exposition professionnelle aux pesticides.

Photo d'illustration. Pascal G., jardinier municipal avait contracté un lymphome causé par son exposition professionnelle aux pesticides.

AFP

Pendant plus de vingt ans, il a travaillé avec des pesticides sans protection. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné jeudi la ville de Meudon à indemniser de manière posthume Pascal G., jardinier municipal qui avait contracté un lymphome causé par son exposition professionnelle aux pesticides.

Le montant de cette indemnisation «en réparation des préjudices subis» par le jardinier a été fixée à 95'200 euros (un peu plus de 94'000 francs).

La commune de Meudon a également été condamnée à verser plus de 28'600 francs à la caisse primaire d’assurance maladie des Hauts-de-Seine.

«Vie gâchée»

«Je ne sais pas si on peut être vraiment satisfait par rapport à ses souffrances, à sa vie gâchée, mais j’espère que la décision fera jurisprudence», a réagi la sœur et ayant droit de Pascal G., Annabelle Prin-Cojan, très émue.

Après des années de souffrances, le jardinier paysagiste est décédé à 56 ans le 29 septembre 2021 du Covid-19, contracté en raison de son immunodépression, elle-même une conséquence de sa maladie professionnelle, comme le démontre une expertise médicale de 2023.

A partir de 1985, Pascal G. travaille en tant que jardinier polyvalent pour la ville de Meudon, municipalité plutôt cossue au sud-ouest de la capitale.

Son travail l’expose «à des engrais, des herbicides, des fongicides, des insecticides (...) pendant un peu moins de 23 ans», notamment à du glyphosate, note une autre expertise médicale de 2016.

Classé «cancérogène probable»

Le glyphosate a été classé, en 2015, «cancérogène probable» par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

«A aucun moment il n’a été averti des dangers de l’utilisation de ces produits ou formé à leur manipulation», déplore Annabelle Prin-Cojan.

La descente aux enfers commence en novembre 2007, date à laquelle Pascal G. est hospitalisé. Deux mois plus tard, diagnostic: un cancer du système lymphatique à un stade très avancé.

Placé dans un coma artificiel pendant plusieurs semaines, il est hospitalisé dans un état grave. Après des mois d’hôpital et de traitements, son état s’améliore et il reprend le travail à mi-temps.

S’ouvre une longue bataille pour faire reconnaître le lien entre son travail et sa pathologie, ainsi que pour compenser les lourds préjudices subis.

«Politique de l’autruche»

En 2014, Pascal G. réalise une première expertise médicale et sollicite la mairie de Meudon. «Pendant deux ans, il ne se passe absolument rien», regrette Annabelle Prin-Cojan, qui dénonce une «politique de l’autruche».

«Rien n’était fait pour une prise en charge rapide et satisfaisante de la maladie de Pascal G. et de ses conséquences», abonde Me François Lafforgue, avocat de la famille.

En janvier 2017, la maladie contractée par Pascal G. est reconnue «imputable au service» par un arrêté municipal.

En mars 2023, une expertise mandatée par le tribunal confirme que «le lien est établi» entre la maladie professionnelle et le décès de Pascal G.

«C’était un énorme soulagement, ce sont des années de combat et de travail reconnues», se souvient Annabelle Prin-Cojan, qui regrette néanmoins que son frère «n’ait pas eu ce soulagement final».

En août 2021, Pascal G. contracte le Covid malgré un schéma vaccinal complet. Il décèdera le 29 septembre, plongé dans le coma, sans avoir pu dire au revoir à sa famille.

Un autre jardinier avait obtenu gain de cause à Rennes dans une affaire similaire, le tribunal administratif de la ville ayant reconnu en mars 2023 un «lien direct» entre sa maladie et ses fonctions.

Chez les agriculteurs, malgré cinq maladies professionnelles liées à l’utilisation de ces produits reconnues ces dernières années et un fonds d’indemnisation dédié, les travailleurs demandant réparation restent relativement rares.

(AFP)

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