Jeu vidéo«Hellblade II»: voyage intérieur et claque visuelle
Cette exclusivité Xbox (console et PC) est à la fois éprouvante et d'une saisissante beauté.
- par
- Jean-Charles Canet
«Senua's Saga: Hellblade II» est un jeu vidéo conçu par Ninja Theory, studio qui contribue depuis quelques années au portefeuille de Microsoft. Cela explique que le jeu soit une exclusivité Xbox (sur console et aussi sur PC) disponible dès le jour de sa sortie, mardi dernier, à la vente ou sur le service Game Pass (abonnement mensuel).
Il s'agit de la suite directe de «Hellblade: Senua's Sacrifice» (2017), jeu dans lequel une guerrière picte dans l'Islande du Xᵉ siècle, tente de sauver l'âme de son bien-aimé en se rendant dans un des royaumes de la mythologie nordique.
Mauvaises rencontres
On la retrouve dans une quête plus obscure encore après un éprouvant naufrage sur une mer déchaînée. La terre sur laquelle Senua s'échoue semble sauvage, déchirée par des forces surhumaines. La guerrière affaiblie commence par découvrir une région battue par les vents et la pluie avec quelques habitations dévastées. Elle va faire de bien mauvaises rencontres.
Elle parcourt un chemin bien défini (on n'est pas précisément dans un monde ouvert même si, parfois, on peut tourner en rond) magnifiée par une magnifique mise en scène qui s'apparente à un inventif plan-séquence. Sa route est parsemée d'énigmes visuelles (pour débloquer des passages) et d'adversaires coriaces qu'il s'agit de combattre à l'épée sur le mode pierre, papier, ciseau (attaque, parade-esquive, contre-attaque). Le jeu réserve quelques séquences grandioses dans lesquelles notre héroïne ne semble être qu'un fétu, proie de monumentaux éléments, naturels ou organiques.
On ne rit pas beaucoup dans «HellBlade II». On est plus au royaume de la souffrance qu'au pays des gazelles bondissantes. D'autant plus que Senua se débat avec une maladie mentale qui lui fait entendre des voix dans sa tête. Il y a donc le récit, des dialogues avec des alliés ou des protagonistes, mais aussi les doutes, les peurs, les indices exprimés par son esprit tourmenté. Tout cela en anglais avec des sous-titres français. Rien de trop ardu pour autant qu'on ait l'esprit cinéphile.
Pour apprécier «Hellblade II» à sa juste valeur, il faut néanmoins oublier la moindre qu'il s'agit d'un jeu vidéo. On l'a appréhendé en tant que dispositif artistique doté de quelques éléments de gameplay corrects, mais parfois dispensables. Ainsi, très vite, les phases de combats à l'arme blanche nous ont hérissé le poil. On a donc tout mis en mode facile, avec les aides imaginées par les développeurs activées, afin d'apaiser notre agacement de voir, apparaître mécaniquement une brouette d'adversaires, les uns derrière les autres. Une enfilade parfaitement chorégraphiée, mais qui semblait occasionnellement sans fin.
Au terme d'une grosse poignée d'heures (ce qui paraîtra très court aux gamers purs et durs), nous sommes parvenus au terme du voyage. Il fut rude, toujours impressionnant. Il ne nous a pas caressé dans le sens du poil, mais il fut d'une saisissante beauté. Et ici, la magnificence visuelle (le meilleur que puisse offrir les jeux de cette génération) est augmentée d'une indéniable virtuosité sonore.
«Hellbalde II» n'a rien d'un blockbuster consensuel. Il n'en est pas moins une étape importante dans une actualité du jeu vidéo marquée par des titres un chouia trop standardisés.
Le jeu nous a saisi pour sa direction artistique peuplée de créatures numériques sublimes, aux expressions d'un réalisme inégalé. Il nous hante pour la profondeur du voyage intérieur de son héroïne et surtout pour la brillante façon dont ses troubles mentaux sont exprimés. Il excelle par une réalisation digne d'un long métrage de cinéma (un film de genre vu qu'il y a des géants dedans). Il nous éblouit enfin par la précision et le réalisme de ses graphismes (le récent moteur Unreal Engine 5 est exploité à ce qui ressemble déjà à un maximum).
«Senua's Saga: Hellblade II» est un spectacle total qui impose juste d'avoir un gamepad entre les mains. Aucun jeu vidéo n'était parvenu dernièrement à nous transporter de cette façon.