Un ex-prêtre jugé: ses victimes témoignent

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OrléansUn ex-prêtre jugé: ses victimes témoignent

Olivier de Scitivaux de Greische, 64 ans, répond de «viols et attouchements sexuels».

Église Saint-Paterne à Orléans. Les faits se sont produits dans différents domiciles de la région orléanaise, dont au presbytère de la paroisse Saint-Paterne.

Église Saint-Paterne à Orléans. Les faits se sont produits dans différents domiciles de la région orléanaise, dont au presbytère de la paroisse Saint-Paterne.

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«Toutes les semaines, tous les jours, tous les soirs»: trois frères ont raconté mercredi au procès d’un ancien prêtre, jugé pour viols et agressions sexuelles, les sévices nombreux qu’ils ont vécus enfants chez eux, derrière les murs du presbytère et en vacances.

L’accusé, Olivier de Scitivaux de Greische, 64 ans, est jugé jusqu’à vendredi par la cour d’assises du Loiret pour «viols et attouchements sexuels» commis, dans les années 1990 et 2000, sur quatre plaignants qui étaient âgés de moins de 15 ans à l’époque et sur lesquels l’ancien prêtre – renvoyé depuis à l’état laïc – avait «autorité».

En hiver à Abondance

Les faits se sont produits dans différents domiciles de la région orléanaise, au presbytère de la paroisse Saint-Paterne d’Orléans, dans un château de la région, en colonie de vacances chaque été à Perros-Guirec (Côtes-d’Armor) ou l’hiver, à Abondance (Haute-Savoie).

«Tout commençait avec des jeux, des papouilles, des chatouilles, des guillis...», se souvient à la barre le benjamin de la fratrie, 40 ans et dont le «calvaire a commencé à 7 ou 8 ans, jusqu’à 20 ans» quand il quitte la région pour son premier emploi.

«Aveuglement presque naïf»

Le jeune quadragénaire, qui souhaite comme ses frères garder l’anonymat, se souvient de ce jour en 1989 où ses parents ont «ouvert leur porte à celui qui deviendra notre bourreau, notre tortionnaire». Ils l’ont «idolâtré, lui ont accordé une passion démesurée», regrette-t-il, évoquant un «aveuglement presque naïf» chez ses parents à l’égard de ce «jeune prêtre sympathique». «Mes parents ont été éblouis», abonde le cadet.

Les premières agressions et viols commencent lorsqu’il a «7 ou 8 ans» par des «caresses», «masturbations forcées, les fellations et la pénétration», raconte avec sobriété et minutie l’homme élancé, qui se tient droit à la barre.

Un enfer dans un lit Louis Philippe

Chez le prêtre, qui accueille l’enfant pour des «raisons pratiques et économiques», il a vécu un enfer dans ce grand lit Louis Philippe en forme de bateau: «Toutes les semaines, tous les jours, tous les soirs», égrène-t-il au tribunal, où de nombreux croyants ou responsables de l’Église catholique, présents, écoutent avec attention.

«Le pire est le moment où il a utilisé des outils sur mon corps», ou lorsqu’«il m’a rasé, faisant de moi un objet», témoigne encore la victime.

L’affaire a été dévoilée quand une victime a appelé la cellule d’écoute du diocèse après avoir visionné un documentaire sur les abus sexuels dans l’Eglise, en 2018, et le signalement fait par l’évêque d’Orléans à l’époque, Mgr Blaquart.

Chaque fois, «j’y passais»

C’est au cours de cette enquête, menée par les gendarmes d’Orléans, que les trois frères apprennent qu’ils sont tous les trois victimes. «Chaque fois qu’il venait à la maison, j’y passais», se remémore, encore ému, l’aîné de la fratrie, désormais âgé de 43 ans.

Pour lui, ««ce n’est pas deux ou trois agressions... c’est 130 à 150, de mes 9 ans à mes presque 14 ans, mais une partie m’échappe!".»

«A 9 ans, vous ne connaissez rien de votre corps. J’ai découvert prématurément ce qu’on pouvait faire avec un sexe», raconte avec pudeur cet homme grand aux cheveux blancs. «Ma première masturbation c’est lui, ma première éjaculation c’est dans ses doigts», abonde le cadet.

«Comment un prêtre peut faire ça?», interroge cet homme, dont les vies intime, personnelle et professionnelle «ont été marquées» par ces évènements.

L’ancien prêtre Olivier de Scitivaux de Greische appelait par des sobriquets les trois frères, mais aussi d’autres petits garçons: il y avait «kikimou, momolle, loulou...», énumère le cadet, glaçant un peu plus la salle plongée dans le silence.

«Il y en a plein d’autres»

Des victimes, «il y en a plein d’autres», assure-t-il.

L’Eglise catholique est depuis des années secouée par des scandales de pédocriminalité dans le monde entier, et régulièrement accusée d’avoir fermé les yeux sur eux et ignoré les victimes.

En France, la Conférence des évêques de France avait annoncé une série de mesures en novembre 2021 pour lutter contre le fléau de la pédocriminalité et mis en place une indemnisation individuelle pour chaque victime.

(AFP)

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