Coach de fortune, Anaïs Kistler a mené la Suisse à une folle épopée

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UnihockeyCoach de fortune, Anaïs Kistler a mené la Suisse à une folle épopée

La boxeuse neuchâteloise s’est retrouvée à la tête de l’équipe de Suisse qui a terminé 3e des premiers Mondiaux sur petit terrain. Elle raconte cette expérience unique.

Brice Cheneval
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Brice Cheneval
L'équipe de Suisse féminine de unihockey sur petit terrain prend la pose après sa 3e place aux Championnats du monde.

L'équipe de Suisse féminine de unihockey sur petit terrain prend la pose après sa 3e place aux Championnats du monde.

DR

Sur cette photo d’équipe, un visage se distingue au milieu d’une forêt de joueuses inconnues: celui d’Anaïs Kistler. Ce nom, familier du sport romand, évoque plutôt la boxe, qu’elle pratique au niveau professionnel, et le rugby, où elle a été internationale suisse. La Neuchâteloise de 35 ans a ajouté une autre corde à son arc en se retrouvant aux commandes d’une inédite sélection helvétique en… unihockey.

Le week-end dernier, la ville finlandaise de Lahti a accueilli les tout premiers Championnats du monde sur petit terrain. Parmi les 12 nations participantes (la Finlande alignait deux formations), la Suisse était représentée.

Dans le tableau féminin, les joueuses à croix blanche ont fait honneur au drapeau en terminant 3es. Premières de leur groupe après avoir battu la Tchéquie (5-3), les Pays-Bas (13-1) et l’Estonie (8-3), elles ont ensuite écarté la Finlande aux pénalties en quart de finale (3-2), avant de tomber en demie, de justesse, face à l’autre équipe du pays hôte (6-7).

À leur tête figurait un tandem composé de Corinne Vez et Anaïs Kistler. Cette dernière, sans avoir jamais joué au unihockey, s’est retrouvée là par un concours de circonstances. Le point de départ intervient en 2021, lorsque la sportive originaire de Boudry prend en charge l’équipe de Semsales, dans le canton de Fribourg.

«Les filles cherchaient quelqu’un pour les entraîner et une amie a soufflé mon nom, raconte-t-elle. Elles attendaient de moi que j’apporte mon expérience du haut niveau sur le plan mental et physique. J’avais accepté le poste ad interim et je suis finalement restée presque deux ans. Mon approche a plu parce qu’elle différait de ce qui se faisait dans ce milieu.»

Anaïs Kistler.

Anaïs Kistler.

Cyril Perregaux

Sa méthode a été validée

Sa méthode a suscité l’intérêt de Corinne Vez. Choisie pour bâtir une équipe de Suisse féminine en vue des Mondiaux petit terrain, l’actuelle coach des Soleuroises de Oekingen était en quête d’un binôme et s’est tournée vers Anaïs Kistler. «J’ai vu son influence à Semsales, j’ai observé une personne très positive et motivée, relate-t-elle. C’est exactement le complément que je souhaitais pour m'épauler.»

La boxeuse du Club Pugilistique de Carouge a été complètement impliquée dans la gestion du groupe. Du processus de sélection («On a reçu autour de 80 candidatures et il a fallu en retenir dix») au relationnel en passant par la préparation des entraînements. «Corinne et moi avons développé une relation incroyable, relève-t-elle. Malgré mon manque de connaissances en unihockey, elle a toujours demandé mon avis avant de prendre une décision. On a énormément échangé et partagé.»

«J’ai observé une personne très positive et motivée. C’est exactement le complément que je souhaitais pour m'épauler»

Corinne Vez, sélectionneuse de l'équipe de Suisse féminine aux Championnats du monde de unihockey sur petit terrain
Corinne Vez donne ses consignes aux joueuses de l'équipe de Suisse féminine, sous le regard d'Anaïs Kistler (à gauche).

Corinne Vez donne ses consignes aux joueuses de l'équipe de Suisse féminine, sous le regard d'Anaïs Kistler (à gauche).

Huwiler Michaela

Le courant est aussi bien passé avec l’effectif, d’après son retour: «C’était un sacré challenge d’apporter une contribution mentale à un groupe qui ne se connaissait pas et ne s’est entraîné ensemble que trois fois avant la compétition. D'autant que je devais m’exprimer en allemand parce qu’en me comptant, on n’était que trois Romandes. Mais les joueuses se sont montrées très réceptives. J’ai constaté leurs progrès jour après jour.»

Des compétences dans le coaching mental et physique

Anaïs Kistler dit avoir axé son discours sur la cohésion et la communication. Celui-ci a visiblement infusé, à en juger par l’épopée des Suissesses. «Les compétences d'Anaïs dans la préparation mentale et physique ainsi que sa mentalité de vainqueur ont constitué un grand atout pour nous, témoigne Corinne Vez. Elle a donné l'exemple de ce que signifie être ensemble et croire en la victoire.»

«Le quart de finale, qu’on remporte aux penalties, en est l’illustration parfaite, embraye son assistante de fortune. Quand on est sorti du terrain, le père d’une joueuse - que je ne connaissais pas - m’a félicité. Il m’a dit: "On voit que vous aimez coacher et accompagner, cela se reflète dans l’état d’esprit de l’équipe". C’est le plus beau compliment que je pouvais recevoir.»

Entre les résultats sportifs et humains, la Neuchâteloise est revenue enchantée de son aventure finlandaise: «C’était une très belle expérience, intéressante. Je ressens une grande fierté d’avoir fait partie du staff qui a dirigé la Suisse aux premiers Mondiaux petit terrain. Ça m'a permis de revivre l’atmosphère d’une grande compétition internationale avec une autre casquette. En termes d’ambiance, avec les spectateurs au bord du terrain et proches de nous, ça se rapprochait d’un tournoi populaire, c’était super sympa. Il y avait pas mal de supporters suisses, même si c’était essentiellement de la famille.»

Surtout, sa mission a conforté son goût du coaching, qu’elle avait déjà éprouvé à Semsales puis en donnant des cours de spinning et de boxe: «Mon travail avec Corinne a renforcé mon envie de transmettre mon amour pour le sport, le dépassement de soi». Il y a là une piste de reconversion.

Une touche-à tout du sport

La boxe, le rugby et maintenant le unihockey: Anaïs Kistler est une touche-à-tout du sport. Certains louent sa capacité à bondir d’un univers à un autre, d’autres y voient de l’opportunisme calculé. La principale concernée, elle, se définit simplement comme «quelqu’un de très dynamique et curieuse». «Mon père me surnommait Duracell, rigole-t-elle, parce j’adore faire plein de choses.»

À son énergie s’ajoute le goût de l’audace. «Je n’ai pas peur de relever des challenges, dit-elle. Quand Corinne Vez m’a proposé de l’accompagner aux Championnats du monde, j’aurais pu refuser en raison de mon déficit de connaissances techniques en unihockey. Mais j’ai tout de suite accepté car j'avais confiance en elle et j'avais envie de travailler avec.»

Son optimisme ne l’a pas empêché d'être traversée par le doute. La Neuchâteloise avoue même avoir ressenti le syndrome de l’imposteur: «Lors du premier entraînement, je me suis demandé ce que je faisais là. Pareil à Semsales, au début. Certains, au club, ne comprenaient pas ce que je faisais là. J’avais tout à prouver. Ce sont les joueuses qui ont validé ma méthode, m’ont rendue légitime. Pour moi qui ai commencé à coacher en unihockey avec la simple idée de dépanner, me retrouver trois ans plus tard à la tête de l’équipe de Suisse au côté d’une sélectionneuse aussi chevronnée, qui m’écoute et prend en compte mon avis, c’est le plus beau des cadeaux. Ça fait plaisir de se sentir reconnue à un tel niveau.» N’en déplaise aux mauvaises langues.

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