CinémaCritique: «Furiosa» sans Max, mais au max
Presque octogénaire, George Miller reste inégalé dans l'art de trousser un film d'action. A découvrir en salles dès le 22 mai.
- par
- Jean-Charles Canet
De longues années s'étaient écoulées pour le grand retour du réalisateur George Miller dans l'univers qui l'a rendu célèbre, celui de «Mad Max» avec un «Fury Road» qui démontrait aisément que l'Australien n'avait pas perdu la main. Trente ans s'étaient pourtant écoulés entre l'opus (et hélas pas le meilleur) avec Mel Gibson (1985) et celui (2015) avec Tom Hardy dans le rôle titre. Et, surtout, avec Charlize Théron dans le rôle de Furiosa, personnage à qui George Miller offre aujourd'hui une préquelle.
Furiosa, justement, la belle a pris du galon. Miller dédie à ses origines un film entier, sans Max, mais radicalement dans l'environnement post apocalyptique bâti dans «Fury Road». On y retrouve la Citadelle d'Immortan Joe, Pétroville et le Moulin à Balles, les trois centres interdépendants autour desquels toute la vie barbaro-économique s'articule.
On y découvre aussi, brièvement, la fameuse Terre Verte, avant qu'elle ne devienne l'étendue morte et boueuse de «Fury Road». C'est d'ici que vient Furiosa (à qui Anya Taylor-Joy donne ses traits juvéniles). C'est de là que, enfant, elle est enlevée par le très tordu Dementus (Chris Hemsworth, excellentissime) et c'est grâce à ses multiples talents que la taiseuse intégrera le royaume d'Immortan Joe (Lachy Hulme) et concoctera sa terrible vengeance.
Le programme est donné. Il vaut ce qu'il vaut et Miller s'en tient à sa volonté de conduire Furiosa exactement au début de «Fury Road». Cela va lui prendre quasiment 2 h 30. Un objectif que le roi George va remplir une nouvelle fois avec maestria.
On reste sidéré par la mise en scène de Miller, par l'élégance de ses mouvements d'appareils, par son art de glisser d'un plan général vers le gros plan, par la beauté des cadres, leur virtuosité, leur équilibre. Par la lisibilité de son montage, aussi. On admire d'autant plus que tout semble couler de source, que le cinéaste n'a, semble-t-il, qu'à se baisser pour choisir le meilleur, sans hésitation.
Le style de Miller est unique. Il est né avec «Mad Max» (1979), il a explosé avec «Mad Max 2, le défi» (1981), il n'a pas perdu une once d'efficacité dans «Furiosa: Une saga Mad Max» (2024). Chacun de ses films d'action, à l'exception du très malade «Mad Max: Au-delà du dôme du tonnerre» (1985), donne une leçon à n'importe quel génie, autoproclamé ou non. Et on ne compte plus les imitateurs qui ont tenté de copier la formule en se vautrant sans espoir de rédemption.
Dans «Furiosa», il y a bien sûr un moment de bravoure. Une longue séquence où tout semble s'agencer parfaitement. Elle est là, elle est grande, elle vaut le déplacement à elle seule. Mais sans écraser le reste; c'en est affolant.
On aurait certes préféré que «Furiosa» soit une suite à «Fury Road» et non un épisode qui se greffe juste avant. Les préquelles ont en effet tendance à nous pomper gravement l'air (une affaire de goût personnel). Qu'importe, on chipote. C'est comme si on prétendait pouvoir détester «Fury Road» parce qu'il s'agit d'un film qui part d'un point A pour se rendre vers un point B et qui se contente ensuite de revenir symétriquement vers le point A. Pourtant, cela ne nous empêche pas d'apprécier la «Route Furieuse» et, sans aucun doute, bien plus qu'elle ne le mérite.
Car ce qui nous plait chez Miller, c'est la forme, rien que la forme, toute la forme. Tant pis si, sur le fond, en termes d'agencement et d'évolution d'univers, le bougre reste dans ses pantoufles.