La dessinatrice qui passe de Thomas Pesquet aux dinosaures

Publié

Bande dessinéeLa dessinatrice qui passe de Thomas Pesquet aux dinosaures

Marion Montaigne est une ravagée de science et vulgarise à merveille. Et en plus, elle est drôle. Rencontre.

Michel Pralong
par
Michel Pralong

Marion Montaigne aime comprendre les choses. Et rien de tel que la science pour cela. Ensuite, elle les explique aux autres. Elle le fait en BD. Marion est aussi une angoissée de la vie et le titre de sa série qui met en vedette le professeur Moustache résume tout à fait la dessinatrice: «Tu mourras moins bête (mais tu mourras quand même)».

En 2017, elle signe un gros carton avec «Dans la combi de Thomas Pesquet», l'histoire de l'astronaute français racontée avec humour. Car oui, c'est une des caractéristiques primordiales de l'œuvre de Marion: on rit beaucoup. Les BD de vulgarisation scientifiques sont de plus en plus nombreuses, mais beaucoup sont d'un ennui mortel. Celles de Marion Montaigne sont non seulement remarquablement vulgarisées, mais en plus aucun risque de bailler, tant on rit. Comment fait-elle? Nous lui avons posé la question à BDFIL où elle venait présenter son dernier album: «Nos mondes perdus», qui parle des dinosaures. Mais déjà, comment passe-t-on de Pesquet au diplodocus?

Le luxe de l'après-Pesquet

«Le succès de la BD sur Pesquet m'a donné le luxe de prendre mon temps pour trouver une idée. On m'a évidemment proposé de faire d'autres bios de gens célèbres, mais il faut avoir beaucoup de recul sur soi et assumer pour se retrouver croqué avec humour. Moi, cela ne me disait rien d'en faire un autre. Et puis il y a eu le Covid, le confinement: je me suis dit, lance-toi dans le drame, tu es forte dans ta tête. Ou fais un fiction: non, je vais me vautrer, je ne sais pas faire cela. J'ai accumulé des tas de projets et j'ai fini par tout jeter!»

C'est alors que Marion tombe sur l'histoire du conflit entre deux paléontologues, Cope et Marsh. Parce pour que la science soit intéressante, il faut aussi y mettre un peu de haine et beaucoup d'ego. Du coup, Marion se demande (elle se poste tout le temps plein de questions): comment l'homme qui pensait toujours avoir été la créature la plus importante sur Terre a pu découvrir l'existence des dinos? C'est ce que raconte son livre.

«Oui, parce qu'un dino, en plus, c'est cool. J'ai vu des dizaines de fois «Jurassik Park». Et comme dans le film, dans ma BD, à part la première cause, les dinosaures mettront un moment à arriver. Car au fond, cela parle plus de nous, des humains, de la place que l'on croit occuper, de la science en train de se faire.»

Autobio chez les dinos

L'album parle aussi de Marion, de sa place à elle dans tout cela et de son rôle de créatrice. «J'adore lire la vie d'autres auteurs, mais moi j'y vais à reculons pour parler de la mienne. Cela a été le plus difficile pour moi de coucher ces morceaux d'existence, des fois je me dis que j'en ai trop dit alors que les lecteurs m'en réclament plus».

Une autre interview de Marion Montaigne sur son livre.

Dargaud

L'éditrice de Marion a du boulot, avoue l'autrice. «Elle doit me freiner. Quand je dessine une scène au XVIIIe siècle, je pense à l'éclairage, alors je me documente sur ce qu'il était à l'époque, puis à l'hygiène (nouvelle documentation). J'en arrive à Darwin, je voudrais tout expliquer (et rallonger l'album de dizaines de pages) et c'est là que l'éditrice me crie: Stoooop!»

Ce que Marion Montaigne craint plus que tout? «Ennuyer le lecteur. Alors je rajoute ce que je sais savoir faire: de l'humour. Je me fais parfois rire toute seule à ma table. Mais bon, c'est souvent drôle la science quand on y pense: un scientifique qui confond un fémur de mégalosaure avec un scrotum... Et beaucoup de génies sont des gens insupportables: faut dire que consacrer sa vie à deux vertèbres, c'est particulier.»

«Je déteste me faire avoir»

Cet amour de la connaissance, elle qui aurait aimé être une dessinatrice scientifique, elle le doit peut-être à une humiliation. «J'avais 4 ans et il y avait un ventriloque à un anniversaire. J'ai dit à ma maman ensuite que j'avais vu une chaussette qui parlait. Elle m'a dit que j'étais une grande naïve, que c'était le monsieur. Je m'en suis voulue à mort d'être aussi crédule et que je ferai tout pour ne plus me faire avoir.»

Que Marion Montaigne continue à se poser beaucoup de questions et nous livre le résultat, toujours avec ce délicieux humour. «Je prépare le tome 6 du professeur Moustache». Et cela ne sera certainement pas barbant.

Nos mondes perdus, de Marion Montaigne, Éd. Dargaud, 205 pages

Nos mondes perdus, de Marion Montaigne, Éd. Dargaud, 205 pages

Ton opinion

1 commentaire