Russie: pédiatre dénoncée par la veuve d'un soldat tué en Ukraine

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RussieDénoncée par la veuve d'un soldat russe, elle risque 10 ans de prison

Selon l'accusation, la pédiatre Nadejda Bouïanova aurait manqué de respect à l'épouse d'un militaire russe tué en Ukraine. La prévenue clame son innocence.

«Comment aurais-je pu dire une chose pareille?!» s'est défendue l'accusée.

«Comment aurais-je pu dire une chose pareille?!» s'est défendue l'accusée.

AFP

Le procès d’une pédiatre russe, qui risque 10 ans de prison après avoir été accusée par l’ex-femme d’un soldat russe mort en Ukraine de lui avoir manqué de respect, a débuté mercredi à Moscou.

«Une cible légitime»

Toute critique, même mineure, de l’attaque à grande échelle contre Kiev est réprimée en Russie, à coups d’amendes ou de lourdes peines de prison. De nombreuses affaires visant des détracteurs du conflit sont par ailleurs ouvertes à la suite de dénonciations envoyées aux autorités par des associations ou des particuliers.

Selon les enquêteurs, Nadejda Bouïanova, 68 ans, avait eu cet hiver une consultation médicale à Moscou avec l’ancienne compagne et le fils âgé de 7 ans d’un militaire russe tué en Ukraine. La femme en question, Anastasia Akinchina, 34 ans, l’a ensuite dénoncée en publiant une vidéo, diffusée par des médias pro-Kremlin, où elle apparaissait en larmes après cette consultation. Elle y affirmait que la médecin, en apprenant la mort de son ex-compagnon, lui avait répondu qu’il était «une cible légitime» des forces armées ukrainiennes.

«Sa parole contre la mienne»

«Comment aurais-je pu dire une chose pareille?! (...) Je suis médecin et je traite tout le monde de manière égale», s’est défendu mercredi Nadejda Bouïanova à l’audience, depuis la cage en verre réservée aux accusés, selon une journaliste de l’AFP sur place. La pédiatre affirme que cette conversation a été inventée de toutes pièces. «C’est sa parole contre la mienne», a-t-elle dit.

Lors de l’audience, un procureur l’a aussi accusée d’avoir une «aversion personnelle» pour les militaires et les dirigeants russes et d’avoir, via son «autorité» de médecin, cherché à diffuser ses opinions politiques dans son entourage. Selon le procureur, les enquêteurs ont trouvé dans le téléphone de la pédiatre des messages qui souhaitaient la victoire de Kiev. Après sa dénonciation, Nadejda Bouïanova a été licenciée de son hôpital, puis arrêtée le 2 février et inculpée pour «diffusion de fausses informations» sur l’armée russe motivée par la «haine ethnique», un crime passible de 10 ans d’emprisonnement.

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«Une affaire scandaleuse»

Son avocat, Oskar Tcherdjiev, a indiqué mercredi à l’AFP que «toute l’accusation» reposait uniquement sur les déclarations de l’ex-compagne du militaire. «Lors de la conversation, il n'y avait pas (d’autres) témoins, le fils de 7 ans n’était pas dans la pièce», a-t-il expliqué, en affirmant que la veuve affirmait désormais que son enfant était présent, alors qu’elle avait auparavant affirmé le contraire.

Originaire de la ville ukrainienne de Lviv, la médecin avait déménagé dans les années 1990 en Russie. «J’ai un frère en Ukraine, mais on ne parle pas souvent», a-t-elle affirmé mercredi. Une trentaine de personnes, dont des médecins, sont venues la soutenir au tribunal. Marina Natapova, une artiste de 69 ans, a dit à l’AFP être là pour protester contre «une affaire scandaleuse». Lilia Manikhina, une soignante de 55 ans, a, elle, affirmé ressentir une «détresse personnelle». «Je suis fière d’elle, je la respecte», a ajouté Lilia Manikhina, en assurant que la pédiatre avait «un grand soutien», notamment dans le corps médical. La prochaine audience a été fixée au 30 mai. En attendant, Nadejda Bouïanova restera en détention provisoire.

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