France«La pénitentiaire en deuil»: blocages de prisons après l’attaque d’un fourgon
Des rassemblements sont en cours devant les prisons mercredi en signe de soutien aux deux agents pénitentiaires tués la veille.
Plusieurs centaines de surveillants pénitentiaires, «en deuil», ont entamé mercredi une journée «prison morte» devant des établissements de toute la France, alertant sur la «dangerosité» du métier après l’attaque mortelle d’un fourgon transportant un détenu qui s’est évadé, mardi en Normandie.
De Fleury-Mérogis à Bordeaux-Gradignan, de Lyon à Nantes en passant par Marseille ou Nice, les agents pénitentiaires affichaient leur émotion et leur «ras-le-bol» après la mort de deux collègues tués lors de cette violente attaque survenue à un péage dans l’Eure.
Une minute de silence est programmée à 11h en hommage aux victimes. Dans la foulée, les syndicats devaient être reçus à 14h par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti.
«La famille pénitentiaire est en deuil, c’est un massacre», a déclaré à l’AFP Nadia Chekhad, du syndicat Ufap-Unsa à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas, où quelque 150 manifestants se sont rassemblés.
Dans cette maison d’arrêt, seul un «service minimum» est prévu mercredi. Des mobilisations similaires ont lieu à Strasbourg, Mulhouse-Lutterbach, Rouen, Dijon, Nice, Meaux, Villeneuve-sur-Lot, Roanne ou encore La Talaudière, près de Saint-Étienne.
À Fleury-Mérogis, quelque 200 manifestants ont installé des barrières avec comme mot d’ordre «blocage total: pas de parloirs, pas d’activités, pas d’extractions judiciaires».
Les syndicats réclament l’utilisation de véhicules blindés, de fourgons banalisés pour éviter de devenir «des cibles», et d’armements adaptés face à des assaillants dotés «d’armes de guerre».
«On trouve systématiquement des véhicules blindés pour le transport de fonds mais pas pour transporter des agents, cherchez l’erreur», a déclaré Jamel, 45 ans, délégué SPS à la maison d’arrêt de l’Elsau à Strasbourg.
«On est pris pour de la chair à canon», abondait Sébastien Thévenin, syndicaliste UFAP devant la maison d’arrêt de Dijon, estimant que l’escorte attaquée en Normandie aurait dû être renforcée.
Dangerosité
Les manifestants demandent aussi une augmentation des visio-conférences pour limiter les extractions de détenus.
Face à la «dangerosité» du métier, «il faut des moyens, des formations. Il faut qu’on se rapproche le plus possible de la réalité du terrain: n’importe quoi peut arriver», a plaidé Hubert Gratraud, délégué FO Justice au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan.
Devant cet établissement girondin, devenu l’une des prisons symboles de la surpopulation avec un taux de remplissage dépassant les 200%, une cinquantaine de manifestants ont bloqué l’entrée, avec une barrière de palettes et de pneus.
Marion Maréchal-Le Pen, candidate Reconquête aux élections européennes en déplacement en Gironde, s’y est rendue mercredi matin. «Il est temps d’écouter ces agents, leurs demandes, leurs souffrances», a-t-elle déclaré devant la presse, dénonçant une «faillite d’État».
François-Xavier Bellamy, tête de liste LR, s’est lui rendu à Fresnes (Val-de-Marne) pour appeler à sortir de cette «impuissance publique».
À Caen, une soixantaine de surveillants prévoyaient une journée sans activités pour les détenus, «seulement les promenades et les repas».
«On est surtout touchés parce qu’on travaillait avec eux (les victimes)", a témoigné Bruno, de l’Ufap Justice, qui n’a pas souhaité donner son nom.
«Les pauvres collègues n’ont pas pu réagir», a-t-il estimé. «Ce n’est pas la première fois qu’on alerte la pénitentiaire en disant qu’on ne nous donne pas les moyens de travailler correctement».
Une journée «école morte» est également observée mercredi à l’École nationale d’administration pénitentiaire (ENAP), qui forme les futurs agents, à Agen.