Nouvelle-CalédonieEmmanuel Macron décide de «déclarer l’état d’urgence»
De terribles émeutes secouent l’archipel depuis lundi. Quatre personnes, dont un gendarme, sont décédées.
Le président Emmanuel Macron a décidé mercredi d’imposer l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie, l’archipel français au Pacifique secoué par de violentes émeutes qui ont fait quatre morts et ont été provoquées par un projet de réforme constitutionnelle rejeté par les indépendantistes.
Le premier ministre français Gabriel Attal a annoncé lui mercredi le déploiement de l’armée pour «sécuriser» les ports et l’aéroport de l’île. Le haut-commissaire sur ce territoire, Louis Le Franc, qui avait demandé le renfort de l’armée pour protéger l’aéroport de Nouméa, fermé jusqu’à nouvel ordre, a pour sa part «annoncé un couvre-feu et interdit TikTok», un réseau social utilisé par les émeutiers, a précisé Gabriel Attal.
Quelque 70 nouvelles interpellations ont eu lieu au cours des dernières 24 heures. Le président Emmanuel Macron a proposé aux élus de Nouvelle-Calédonie d’avoir un «échange par visioconférence» jeudi, à l’issue d’un nouveau Conseil de défense qui doit se tenir à 11h00, a annoncé l’Élysée. Plus tôt mercredi, il avait prôné «la nécessité d’une reprise du dialogue politique».
«Soixante-quatre gendarmes et policiers ont été blessés» et «près de 200 émeutiers ont été interpellés» depuis lundi, a indiqué jeudi le représentant de l’État dans le territoire ultramarin, Louis Le Franc.
Situation «insurrectionnelle»
L’état d’urgence, demandé par Emmanuel Macron, est en vigueur depuis 20h00 heure de Paris (05h00 jeudi à Nouméa). Ayant renoncé à un déplacement prévu jeudi matin sur le site de l’EPR à Flamanville (Manche), le chef de l’état présidera une «réunion de suivi» sur la situation néo-calédonienne.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a lui procédé à quatre premières assignations à résidence de membres de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), frange la plus radicale du Front de libération Kanak socialiste (FLNKS), selon une source proche du dossier.
Depuis les premières altercations dans la journée de lundi, en marge d’une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle, deux violentes nuits d’émeutes ont secoué l’île. Le bilan est déjà lourd. Selon le dernier bilan communiqué par l’Élysée, elles ont fait trois morts. Un gendarme d’une vingtaine d’années touché à la tête par un tir a également succombé à ses blessures.
«Toutes les violences sont intolérables et feront l’objet d’une réponse implacable pour assurer le retour de l’ordre républicain», a assuré Emmanuel Macron à l’issue du conseil de défense, avant de rappeler une nouvelle fois «la nécessité d’une reprise du dialogue politique». Gabriel Attal a précisé peu après devant les députés qu’il proposerait une date «dans les prochaines heures» pour recevoir à Matignon indépendantistes et non-indépendantistes.
Incendies et pillages
Malgré le couvre-feu mis en place à Nouméa, principale ville du territoire, les violences ont repris mardi soir dès la nuit tombée, marquée par de nombreux incendies, pillages et échanges de tirs, y compris contre les forces de l’ordre. L’aéroport de Nouméa est fermé depuis lundi. Deux personnes ont par ailleurs été blessées par balles à Ducos, dans le nord-ouest de Nouméa «par un garagiste qui protégeait son entreprise», selon un ministre du gouvernement local.
«Je vous laisse imaginer ce qui va se passer si des milices se mettaient à tirer sur des gens armés», a insisté Louis Le Franc, évoquant «une spirale mortelle». Rencontré par l’AFP, Sébastien, un habitant de 42 ans qui ne donne pas son nom, a dit mener la garde pour «protéger la ville». «Les flics sont débordés alors on essaye de se protéger et dès que ça chauffe, nous prévenons les flics (...). On essaye de faire en sorte que chaque quartier ait sa milice».
Appel au calme
Point de crispation de la colère des indépendantistes, le projet de réforme constitutionnelle sur le corps électoral a été adopté par les députés à Paris dans la nuit de mardi à mercredi. Il doit encore réunir les trois cinquièmes des voix des parlementaires réunis en Congrès. Ce texte vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l’archipel, à tous les natifs calédoniens et aux résidents depuis au moins dix ans. Les partisans de l’indépendance jugent que ce dégel risque de «minoriser encore plus le peuple autochtone kanak».
Dans une déclaration commune, les principaux partis indépendantistes et loyalistes de Nouvelle-Calédonie ont toutefois lancé mercredi un appel «au calme et à la raison».