CommentaireGrosse fatigue dans les universités suisses
Le mouvement pro-palestinien dans les unis n'a que trop duré.
- par
- Eric Felley
«L’intervention policière devenue inévitable nous laisse un terrible sentiment d’échec». La rectrice de l'Université de Genève, Audrey Leuba, résumait mardi dans un communiqué sa déception à la suite de l'évacuation par la force de l'Uni Mail. «Nous avons tout tenté pour l’éviter, privilégiant jusqu’au bout un dialogue dans le respect des règles de l’Université et de sa charte d’éthique et de déontologie».
Face aux drames humains dans la bande de Gaza, elle dit comprendre les manifestants: «Leur émotion et leur besoin d’agir sont légitimes, nous les partageons». Hélas, ces manifestations, qui se voulaient pacifistes et respectueuses au début, ont été noyautées par des éléments plus radicaux. «Nous avons vu parallèlement l’occupation échapper au collectif, avec l’apparition de personnes extérieures à l’Université, de logos de partis ou de groupes politiques, de prises de parole sans rapport avec la cause défendue».
À Fribourg et Lausanne
À l'Université de Fribourg, le rectorat a été mis devant le fait accompli par les occupants, qui se sont installés lundi dans le bâtiment Pérolles 21, «écoutant de la musique forte, déplaçant à leur guise le mobilier du bâtiment, étalant des tapis, servant du café et de la nourriture, décorant le lieu de drapeaux et de slogans, relayant des annonces au mégaphone et distribuant des tracts dans tout le bâtiment».
Dans son communiqué publié mardi, le rectorat fribourgeois constate avec inquiétude «qu'un nombre toujours plus important de personnes sur place n'ont aucun lien avec l'institution et utilisent cette plateforme à des fins politiques».
À Lausanne, le Grand Conseil vaudois a voté mardi une résolution demandant à l'État d'intervenir pour déloger les militants qui occupent l'Unil depuis le 2 mai.
Boycott académique
En laissant s'installer les manifestants, les universités ont cru en leur capacité de dialogue, ils avaient confiance en «leurs» étudiants, qui sauraient rester dans le cadre d'une occupation digne. Mais ce mouvement semble bien encadré par la Fédération Suisse-Palestine, qui regroupe quelque 25 organisations en faveur de la cause palestinienne en Suisse. Sa principale revendication est «la fin de la coopération académique avec l’État d’apartheid israélien».
Les universités refusent d'instaurer ce boycott académique. Audrey Leuba admet que le drame humanitaire de Gaza «appelle une réponse sur le fond quant au rôle des institutions académiques. Mais cette réponse ne doit pas venir sous la pression, elle ne peut pas être une concession lâchée pour obtenir la fin d’une crise.... Elle doit être le fruit d’une véritable démarche scientifique, conforme aux exigences universitaires, applicable à toutes les situations».
Un climat délétère
Ces occupations d'universités pour la cause palestinienne contre Israël n'ont pour l'instant en rien amélioré le sort des habitants de Gaza. Par contre, l'importation de ce conflit en Suisse de manière ostentatoire, avec des slogans qui ciblent uniquement Israël, est délétère pour la paix sociale helvétique. Il n'est pas question que cette situation favorise et banalise des formes d'antisémitisme.
La compassion avec l'immense détresse humaine du peuple palestinien de Gaza est un sentiment légitime partagé par une large part de la population helvétique. Mais la radicalisation et la politisation du mouvement pro-palestinien dans les universités risquent de rendre la cause impopulaire, ce qui serait le contraire de l'objectif recherché.