«Loi Rwanda» inapplicable en Irlande du Nord, dit la justice

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Politique migratoire«Loi Rwanda» inapplicable en Irlande du Nord, dit la justice

Selon une décision rendue lundi, la loi sur le renvoi de migrants en Afrique viole des dispositions d'un accord de paix et des droits de l'Homme.

La Haute Cour de justice à Belfast.

La Haute Cour de justice à Belfast.

Wikimedia - Kenneth Allen

La Haute Cour de Belfast a jugé lundi que plusieurs dispositions de la loi britannique autorisant l’expulsion des demandeurs d’asile vers le Rwanda étaient inapplicables en Irlande du Nord, compliquant encore sa mise en oeuvre.

Quelques semaines après l’adoption de ce texte controversé, qui permet d’expulser dans ce pays d’Afrique les demandeurs d’asile entrés de manière irrégulière sur le sol britannique, le juge Michael Humphreys a estimé que des pans entiers de la loi devraient être «abrogés» avant son application en Irlande du Nord, au nom de la protection des droits humains.

«Ce jugement envoie un message clair au gouvernement britannique (...) Non seulement les demandeurs d’asile seront les bienvenus en Irlande du Nord, mais ils seront protégés par la loi», s’est réjouie Sinead Marmion, avocate d’un demandeur d’asile iranien de 16 ans en partie à l’origine de ce recours. Cette décision constitue un «énorme obstacle» à la mise en oeuvre des lois britanniques anti-immigration en Irlande du Nord, selon elle.

Accord de paix du Vendredi Saint

La justice nord-irlandaise – qui fonctionne indépendamment du système judiciaire anglais – a évoqué dans sa décision l’accord de paix du Vendredi Saint, qui a mis fin en 1998 à trois décennies d’un conflit sanglant autour de la souveraineté britannique.

Le juge a en effet estimé que plusieurs dispositions du texte affaiblissaient les droits des demandeurs d’asile, tels que garantis par l’accord de paix et des textes légaux signés récemment pour le protéger.

Elles violent également des droits protégés par la Convention européenne des droits de l’Homme, dont le Royaume-Uni est signataire, a-t-il estimé.

Appel du gouvernement britannique?

Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a  toutefois affirmé que ce jugement ne «changeait rien» à la légalité du texte ou au calendrier de sa mise en oeuvre au Royaume-Uni, de premiers demandeurs d’asile devant être expulsés en juillet.

Le gouvernement britannique, de son côté, affirme que les dispositions de l’accord du Vendredi Saint «ne doivent pas être étendues à des questions telles que la migration illégale», a souligné M. Sunak.

«Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour défendre cette position, y compris en faisant appel» de la décision judiciaire, a-t-il assuré.

Un «aimant» à requérants

Gavin Robinson, chef par intérim du parti unioniste DUP, attaché au maintien de l’Irlande du Nord au sein du Royaume-Uni, s’est pour sa part inquiété que le territoire devienne un «aimant» pour les demandeurs d’asile, si la loi anti-immigration ne s’y appliquait pas.

Cette loi du gouvernement conservateur britannique, critiquée par l’ONU, l’opposition travailliste et les organisations de défense des droits humains, suscite aussi des tensions entre Londres et Dublin.

Depuis son entrée en vigueur, de nombreux demandeurs d’asile sont entrés en Irlande en passant par l’Irlande du Nord, espérant échapper à une expulsion au Rwanda. Le Premier ministre irlandais, Simon Harris, a averti que Dublin prendrait des mesures pour endiguer l’afflux, notamment en renvoyant ces demandeurs d’asile vers le Royaume-Uni.

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