CinémaRoger Corman, maître de la série B, est mort à 98 ans
Le réalisateur et producteur américain est connu pour ses films à petit budget produits à un rythme effréné.
Maître du cinéma fantastique américain des années 1960, Roger Corman, est mort jeudi à son domicile de Santa Monica, en Californie. Il avait 98 ans. Roger Corman s'est s’imposé comme le champion des films de genre à petit budget donnant ses lettres de noblesse à la série B et dénichant de nombreux talents du Nouvel Hollywood.
Figure des débuts du cinéma indépendant, Roger Corman a tourné une cinquantaine de films et produit plus de 300 autres lançant les carrières de Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Robert De Niro ou Denis Hopper.
Parmi ses films les plus connus : «Le Corbeau», «La chute de la maison Usher», brillantes adaptations de nouvelles d’Edgar Allan Poe – mais aussi «La petite boutique des horreurs», un film culte de la beat generation et l’un des premiers rôles de Jack Nicholson.
«Il a été mon sang, ma force vitale et ce ne sont pas des paroles en l’air», confiait récemment l’acteur.
Epouvante, fantastique, films de gangster, science-fiction, western: cette figure d’Hollywood a reçu un Oscar d’honneur en 2015, une «incongruité pour moi qui ai toujours tourné des films à petit budget», s’en était-il amusé alors.
En 2023, Quentin Tarantino lui rendait un hommage à Cannes : «J’aime les films bruts, étranges, tordus et s’il y a un réalisateur qui incarne ce principe, c’est bien Roger Corman».
«Mon cinéma ne connaît pas d’inhibition, il est plein d’excès, de rires», avait rétorqué le vieil homme, visiblement toujours amusé.
Roi du système D, il fascinait par ses tournages-éclair : en 1960, il établit le record avec «La petite boutique des horreurs» tournée en deux jours et une nuit.
Il lui arrivait aussi de mener de front deux films simultanément pour amortir les frais, comme il l’expliquait dans son autobiographie «Comment j’ai fait 100 films à Hollywood sans jamais perdre un sou» (2018).
A Hollywood, on affirmait être capable de tout boucler depuis une cabine téléphonique : la production en un coup de fil, le financement avec la monnaie de son appel et le tournage in situ.
Né à Detroit le 05 avril 1926, il fait des études d’ingénieur à Stanford. Après la guerre, il commence comme coursier à la Fox, gravit les échelons et signe son premier scénario en 1953, «Highway Dragnet». Il entre à l’AIP (American International Pictures), une compagnie indépendante à budget limité, spécialisée dans le cinéma de genre. Il en devient le producteur-phare.
En 1955, il produit ses deux premiers westerns et s’aventure dans la science-fiction avec «The Day the World ended», introduisant un de ses thèmes favoris : le renversement de l’ordre social après une attaque nucléaire.
Homme de gauche, il critique le maccarthysme – «It Conquered the World» (1956) -, la ségrégation raciale – «The Intruder» (1961). En 1967, le département d’Etat intervient après la diffusion au festival de Venise des «Anges sauvages» : ce premier film sur les motards des Hell’s Angels ne reflète pas l’Amérique, contestent les diplomates américains.
Il renouvelle le film de vampires : dans «Pas de cette terre» (1956), le personnage principal n’est plus une créature maléfique mais un quidam qui se promène avec une valise pleine de seringues. Puis il s’aventure dans le gothique avec «The Undead» (1956).
Ses titres alléchants promettent humour, frisson et sexe à un jeune public à la recherche de sensations : «L’attaque des crabes géants» (1957), «La Femme guêpe» (1959), «La créature de la mer hantée» (61), «Le masque de la mort rouge» (1964) ...
Ses adaptations des nouvelles d’Edgar Poe avec son acteur fétiche Vincent Price sont considérés comme des chefs d’oeuvre qui auront une forte influence sur le cinéma d’horreur européen.
On lui doit aussi la distribution aux États-Unis des films de Truffaut, Bergman, Fellini, Kurosawa.