Abus dans l'Église catholiqueMgr Morerod: «Quand tu es curé, tu n'as pas besoin d'être doué»
Proche de l'effondrement en septembre dernier, Mgr Morerod s'exprime dans un livre témoignage.
- par
- Eric Felley
Le 13 septembre dernier, en pleine tourmente des abus sexuels dans l'église, l'évêque de Fribourg, Mgr Charles Morerod répondait avec difficulté au «19 h 30» sur la RTS. Juste après, il était victime d'un malaise et a dû être hospitalisé. «La pression sur le cerveau était devenue telle que c’était à la limite de l’AVC», raconte-t-il aujourd'hui dans «Le Temps» à l'occasion de la parution d'un livre aux éditions Slatkine, écrit avec la journaliste Camille Kraft.
Il évoque ce jour: «Je me souviens très bien qu’à ce moment-là, comme j’avais trouvé la journée assez dure, je me suis demandé: dans le fond, est-ce que je désire survivre?» Petit à petit, au fil de sa convalescence, la réponse a été oui. «Si j’étais mort à ce moment-là, dit-il, je n’en aurais pas assez fait, ni assez dit, parce que je m’étais un peu résigné. Avec le recul, c’est peut-être pour cela que je suis devenu évêque».
Des procédures difficiles
Le titre du livre est: «Tu n’abuseras point. Un évêque dans la tourmente raconte»*. On apprend que depuis les révélations de septembre, «il y a eu six procédures lancées par des prêtres que nous avons sanctionnés à la suite d’accusations et qui se sont retournés contre nous. Ce n’est pas évident à gérer».
Dans ce dossier, l'évêque est confronté à des difficultés humaines: «La question de savoir ce qu’on fait des prêtres auteurs d’abus demande vraiment à être résolue. Parce que pour l’instant, nous tâtonnons dans ce domaine. Il est également très difficile de gérer les cas où les gens ont été accusés à tort, ou lorsqu’ils font l’objet de rumeurs impossibles à vérifier».
Le prêtre contre le Christ?
La journaliste évoque «les systèmes qui permettent à des auteurs d’abus de sévir en toute impunité. Comme le milieu du cinéma autour de Gérard Depardieu, par exemple». Mgr Morerod lui répond: «On se trouve face à une problématique similaire. Sauf que Gérard Depardieu devait avoir du talent pour que cela fonctionne. Quand tu es curé, tu n’as pas besoin d’être doué. Ce sont les autres qui te placent sur un piédestal, littéralement – même si c’est beaucoup moins le cas aujourd’hui».
Il ajoute: «Tout cela a été pensé dans le but de mettre le Christ en évidence. Mais on a procédé d’une manière telle que le prêtre peut, dans certains cas, devenir le contraire de ce que le Christ nous a montré».
*Camille Kraft, «Tu n’abuseras point. Un évêque dans la tourmente raconte», Slatkine, 184 p. Sortie le 10 mai.