FootballCommentaire: Le PSG a causé la faillite de Kylian Mbappé
L'attaquant français est passé au travers en demi-finales de Ligue des champions. Point d’orgue d’une saison marquée par un conflit latent avec son club, dont ce dernier est en majeure partie responsable.
- par
- Brice Cheneval
Le PSG est un club unique. Parce qu’il dramatise ses déceptions comme aucun autre. Chaque année, quand vient le printemps, c’est la même rengaine: le rêve de soulever la Ligue des champions, sa raison de vivre, s’envole dans une atmosphère apocalyptique puis s’ensuit une chasse aux sorcières. Ce Maccarthysme footballistique à la parisienne a eu la peau, par le passé, de Laurent Blanc, Unai Emery, Thomas Tuchel, Mauricio Pochettino et Christophe Galtier, tous jugés principaux responsables de ces éliminations à répétition. Dont Nasser Al-Khelaïfi, président omnipotent depuis le début de l’ère qatarie en 2011, a été un acteur commun sans jamais être remis en question. Mais cela est un autre débat.
Cette année encore, la coupe aux grandes oreilles refuse les bras du PSG, écarté sans gloire - une habitude - par le Borussia Dortmund en demi-finales (0-2 sur l’ensemble de la double confrontation). Au coup de sifflet final, mardi soir, deux coupables ont été désignés: Luis Enrique - le contraire aurait étonné ses prédécesseurs - et Kylian Mbappé. Au premier nommé, on reproche ses choix tactiques et son attitude, pleine d’assurance, d’avant-match. Bref, d’être l’entraîneur, cible par défaut après pareille déconvenue. Au deuxième, d’avoir livré des prestations fantomatiques, tant à l’aller qu’au retour, au moment le plus important de la saison.
Deux camps, une lutte d'influence
L’attaquant de 25 ans se trouve sous un déluge de critiques comme il n’en avait plus connu depuis 2021 et sa sortie de route avec l’équipe de France à l’Euro. C’est le lot des plus grands: on les porte aux nues dans le succès autant qu’on les pointe du doigt dans l’échec. Mbappé a suffisamment réclamé de responsabilités pour ne pas s’y soustraire. Il ne s’est d'ailleurs pas caché à l’heure de dresser son bilan personnel, mardi soir. «Ce n’était pas suffisant», a-t-il indiqué devant les journalistes, ajoutant: «Le premier qui devait marquer, c’était moi».
Kylian Mbappé a failli, c’est un fait. Son naufrage individuel arrange bien le PSG, qui perd un peu moins la face dans son bras de fer avec sa future ex-star. Les deux camps sont engagés une lutte d’influence depuis que le No 7 a entériné son choix de quitter la capitale libre, cet été. Au centre de la discorde: son extension de contrat annoncée en grandes pompes le 21 mai 2022. Le joueur estime avoir été dupé par ses dirigeants et les promesses formulées pour le convaincre de rester, tandis que le club hurle à la trahison, eu égard aux efforts inouïs consentis.
Simulacre d'autorité depuis l'été dernier
Il y a presque deux ans jour pour jour, le PSG pensait ouvrir la page la plus glorieuse de son histoire. Il s’est en réalité tiré une balle dans le pied. La saga Mbappé étant aussi longue et rebondissante que la série «The Walking Dead», il est de bon ton de rappeler que l’ancien Monégasque souhaitait déjà s’en aller avant de signer sa prolongation. Le dossier avait pris une tournure politique (le président français, Emmanuel Macron, est directement intervenu) et géopolitique (le Qatar n’envisageait pas un instant de laisser filer la nouvelle icône du ballon rond avant sa Coupe du monde), au point que le PSG avait dû déployer des moyens hors norme afin d’infléchir sa position. En agissant ainsi, il a créé un monstre.
Paris avait recruté un espoir en 2017, il a façonné un joueur tout-puissant. Et s’est donc placé lui-même dans l’incapacité de le régir. Il lui a fallu se retrouver dans un cul-de-sac pour s’en rendre compte. Il était trop tard, cependant. Le club s’est alors inventé une posture de durcissement à contretemps. Et franchement inutile, sachant l’avenir de Mbappé écrit. Ce dernier a fait les frais d’un simulacre d’autorité: mis au ban l’été dernier suite à son refus de prolonger, puis réintégré avec l’étiquette d’élément lambda de l’effectif. Dans le prolongement de sa direction, Luis Enrique a également singé une supériorité hiérarchique. Laquelle atteint des sommets de ridicule depuis que «KM7» a manifesté sa décision de rejoindre le Real Madrid en fin de saison. Son entraîneur a dès lors trouvé le «courage» de le remplacer en cours de match, notamment à Marseille et Monaco, voire l’installer sur le banc au coup d’envoi. Il n’a curieusement pas eu la même poigne en Ligue des champions, où l’attaquant a disputé l’intégralité de chaque rencontre.
Trois stars parties en conflit
En somme, le PSG a sabordé sa star par vengeance en la privant d’une préparation estivale correcte et en alimentant autour d’elle un climat toxique. Tout en conservant la même attente sur ses performances. Il y a là une situation paradoxale dont personne n’est sorti gagnant. Plutôt que d’accepter ses propres erreurs et former un mariage de raison pendant un an, le club parisien s’est entêté par fierté dans un conflit larvé. Cette saison, Kylian Mbappé est apparu plus que jamais déconnecté de son équipe, parce que son employeur l’a poussé dans ces conditions. Voilà pourquoi sa défaillance contre Dortmund ne doit pas lui être totalement imputée.
Conséquence corollaire: Mbappé s’apprête à partir par la petite porte d’un club dont il est devenu le meilleur buteur historique, où il a forgé une grande partie de sa renommée planétaire ainsi que son palmarès. Sans avoir donné l’impression de conquérir au plus profond le cœur des supporters, fracturés au gré des querelles intestines. En 2021, le PSG s’imaginait changer de galaxie en composant un trio Kylian Mbappé - Lionel Messi - Neymar. Trois ans plus tard, l’objectif ultime n’a toujours pas été atteint et les trois vedettes se sont dirigées vers la sortie, toutes dans une atmosphère conflictuelle. Cela dit beaucoup de la culture du club.