L’évacuation de l’est de Rafah aura un «coût humanitaire» élevé, redoutent des ONG

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Proche-OrientL’évacuation de l’est de Rafah aura un «coût humanitaire» élevé, redoutent des ONG

Des milliers de Palestiniens ont été appelés lundi à quitter la ville du sud de la bande de Gaza par l’armée israélienne en prévision d’une offensive militaire.

L’armée israélienne a prévenu la population par tracts largués et notes vocales qu’ils devaient se déplacer vers la côte de Rafah.

L’armée israélienne a prévenu la population par tracts largués et notes vocales qu’ils devaient se déplacer vers la côte de Rafah.

AFP

Des ONG ont dénoncé lundi l’absence d’un véritable plan pour mettre à l’abri les milliers de Palestiniens appelés à quitter l’est de Rafah par l’armée israélienne en prévision d’une offensive militaire, redoutant un «coût humanitaire» élevé dans cette ville du sud de la bande de Gaza.

Environ 100 000 personnes sont concernées par ces déplacements d’après l’armée israélienne, qui a prévenu la population par tracts largués et notes vocales qu’ils devaient se déplacer vers la côte de Rafah.

Pour les organisations d’aide internationales, une telle opération risque de causer de graves problèmes humanitaires alors qu’environ 1,2 million de personnes, dont une majorité de déplacés, vivent à Rafah et dans sa périphérie directe, selon les Nations unies, qui évoquent une moyenne de près de 20 000 habitants au km² – soit environ deux fois plus que la ville de New York.

Espaces inappropriés

L’armée a désigné lundi «la zone humanitaire élargie d’al-Mawasi», à une dizaine de kilomètres de Rafah, comme espace dédié aux civils évacués avant les combats.

«Des hôpitaux de campagne, des tentes et un volume croissant de nourriture, d’eau, de médicaments et autres» sont installés sur place, a-t-elle affirmé.

L’AFP n’a pas été en mesure de vérifier ces déclarations, l’accès indépendant à la presse internationale dans la bande de Gaza étant interdit par les autorités israéliennes.

«Cette zone est déjà saturée et dépourvue de services de base, s’inquiète Jan Egeland, directeur de l’ONG Norwegian Refugee Council (NRC). Elle n’a pas la capacité d’accueillir le volume de personnes qui cherchent actuellement refuge.»

Dans un communiqué, le Secours islamique a souligné que les Palestiniens installés à al-Mawasi vivaient déjà dans une grande précarité. «Les civils qui y sont réfugiés disent qu’ils continuent à être confrontés à des frappes ainsi qu’à de graves pénuries alimentaires.»

«Il n’y a pas d’infrastructures, tout a été détruit, il y a beaucoup de décombres», décrit à l’AFP Jean-Raphaël Poitou, en charge du Moyen-Orient pour Action contre la faim (ACF), qui mentionne aussi le danger des munitions non explosées qui pourraient joncher cette zone.

«Paralysie»

L’armée israélienne a annoncé dimanche avoir fermé le principal point de passage de l’aide depuis Israël, Kerem Shalom, visé par des tirs de roquettes.

«On a tous des stocks mais ce ne sont pas des stocks qui permettent de tenir plusieurs semaines», signale M. Poitou.

Les ONG auxquelles l’AFP a parlé affirment ne pas avoir été consultées ou informées par les autorités israéliennes des mesures envisagées pour mettre les civils à l’abri des combats, ce qui les empêche d’anticiper leurs opérations à venir.

Médecins du monde, qui dirige plusieurs dispensaires à Rafah, a déclaré à l’AFP que l’ONG a dû rapidement évacuer ses bureaux lundi puisqu’ils se situaient dans les quartiers que l’armée a demandé à évacuer le matin même.

Une opération militaire limiterait les activités des ONG, qui craignent notamment des problématiques de sécurité ou d’accès aux bases logistiques comme aux bénéficiaires.

«L’aide humanitaire doit être facilitée par toutes les parties», rappelle le chef du Bureau des affaires humanitaires des Nations unies dans les Territoires palestiniens, Andrea de Domenico, disant à l’AFP craindre «la paralysie de nos opérations vitales».

«Depuis le début de la guerre, nous avons été contraints de quitter neuf établissements de santé dans la bande de Gaza», indique à l’AFP Médecins sans frontières, soulignant qu’une opération terrestre mettrait en danger le personnel soignant et les patients.

«Une offensive terrestre rendra très certainement l’acheminement de l’aide et la fourniture des soins médicaux quasiment impossibles.»

«Pas de plan»

«Nous espérions que ce jour n’arrive jamais, se désole Inger Ashing, à la tête de Save the Children International. Depuis des semaines, nous avertissons qu’il n’y a pas de plan d’évacuation réalisable pour déplacer et protéger les civils légalement.»

«Cette évacuation aura un important coût humanitaire, des personnes vont inévitablement en mourir», abonde un communiqué du Secours islamique.

«L’armée a certes ordonné aux civils de se déplacer, mais il n’y a pas de plan d’évacuation», résume Joost Hiltermann, le directeur du programme Moyen-Orient du cabinet International Crisis Group (ICG).

Selon lui, «l’armée a décidé de faire monter la pression à propos de son entrée dans Rafah», après des semaines de déclarations des dirigeants israéliens, le Premier ministre Benjamin Netanyahu en tête, à propos d’une opération sur la ville «avec ou sans» trêve conclue avec le Hamas, dont l’attaque sans précédent le 7 octobre a déclenché la guerre.

La destruction de quatre bataillons du mouvement islamiste qui y seraient repliés, d’après les autorités israéliennes, est non négociable pour Israël, malgré le tollé international que suscite une opération dans une zone si densément peuplée.

Plusieurs pays ont répété qu’ils y étaient opposés.

Dans un communiqué publié après l’ordre d’évacuation lundi, le Comité international de la Croix-Rouge rappelle qu’Israël «en tant que puissance occupante, a la responsabilité de veiller à ce que les besoins essentiels de la population civile soient respectés».

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