FranceLe présentateur et écrivain Bernard Pivot est mort à 89 ans
Sa famille a annoncé son décès via l'AFP ce lundi. De 1975 à 1990, son émission «Apostrophes» était suivie par des millions de téléspectateurs.
Le journaliste et écrivain Bernard Pivot, qui a su passionner les Français pour les livres qu’il présentait à la télévision, a refermé lundi 6 mai le livre d’une vie riche passée à interroger des écrivains de légende.
Le présentateur de la mythique émission littéraire d’Antenne 2 «Apostrophes» est mort à Neuilly-sur-Seine à l’âge de 89 ans, a annoncé sa fille Cécile à l’AFP.
Un livre à la main, sa paire de lunettes dans l’autre, il avait également présenté l’émission «Bouillon de culture» et organisé à partir de 1985 les Dicos d’or, championnat d’orthographe vite devenu international.
Bernard Pivot, lecteur aussi scrupuleux qu’il était brillant comme intervieweur, est s’est imposé au fil des ans comme une figure populaire bien au-delà du petit milieu parisien des lettres.
«Apostrophes», le vendredi soir, était regardée par plusieurs millions de téléspectateurs. Grands connaisseurs de la littérature ou modestes amateurs de livres, ils y appréciaient les traits d’esprit, les pensées frappantes de concision, les tirades lyriques ou les engueulades que Bernard Pivot savait susciter chez les auteurs invités.
«Phénomène sociologique»
Le journal «Le Monde» qualifie l’émission de «rendez-vous incontournable des auteurs et du monde de l’édition». Pour le magazine Télérama, elle «bouleversa durablement la vie littéraire», «un phénomène sociologique et un objet culturel unique en son genre».
Ses archives laissent cependant voir une époque où les relations de Gabriel Matzneff avec des mineurs faisaient rire et où l’on fumait et buvait sans aucune retenue.
Quand elle s’est arrêtée en 1990, au bout de quinze ans, la perte a semblé irréparable à ce milieu. Affable, d’humeur égale, Bernard Pivot y était unanimement apprécié.
«Il était gai, il était drôle. Il était sympathique, profondément sympathique», a déclaré sur BFMTV une autre grande figure de la télévision des années 80, Anne Sinclair.
La preuve avec ce bon mot sur Twitter en 2016: «L’habitude des radios de m’appeler à la mort d’un écrivain est si grande que, le jour où je mourrai, elles m’appelleront».
L’animateur, amateur de bon vin et d’humour, n’avait pas son pareil pour décontracter l’ambiance sur son plateau. Et, dans les conditions du direct, pour tirer le débat vers le haut.
Des géants du XXe siècle se sont assis face à lui pour évoquer le titre qu’ils venaient de publier, tels Marguerite Duras, le boxeur Mohamed Ali ou le dissident soviétique Alexandre Soljenitsyne.
«Jamais rassasié»
«La littérature subit une perte immense. Il est, à mes yeux, un de ces médiateurs pour qui je dirais qu’en Europe aussi un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle», a écrit l’écrivain franco-congolais Alain Mabanckou sur X.
«Il aimait les livres avec gourmandise, comme la nourriture, sinon que son appétit littéraire n’était jamais rassasié», a affirmé Jacques Attali, écrivain et ancien conseiller du président François Mitterrand.
«Nous perdons un grand homme de culture et de TV», a estimé la directrice générale de France Télévisions Delphine Ernotte Cunci.
Bernard Pivot, qui avouait sans peine ses limites comme écrivain, exerça ensuite son influence à l’Académie Goncourt. Entré en 2004, président en 2014, il s’en était retiré fin 2019.
Les autres académiciens lui savent gré d’une indépendance sans aucun compromis face aux grands éditeurs français. Sous sa présidence, les éditions du prix Goncourt en 2006 («Les Bienveillantes» de Jonathan Littell) et 2010 («La Carte et le Territoire» de Michel Houellebecq) restent dans les annales.
Le club de football de Saint-Étienne a aussi salué la mémoire de ce passionné de foot, fidèle aux Verts. «L’ASSE salue cet homme de lettres (...) entraîné, comme bien d’autres, par la passion stéphanoise.»