Guerre au Proche-OrientAide aux Palestiniens: le National vote une aide partielle
La Commission du National propose de n'octroyer qu'une partie des 20 millions. La gauche fâchée.
- par
- Eric Felley
La Commission des affaires extérieures du Conseil national devait se prononcer ce mardi sur le déblocage des 20 millions de francs promis à l'organisation onusienne d'aide aux réfugiés palestiniens, l'UNWRA. Finalement, elle a décidé de faire un pas dans ce sens. Elle propose au Conseil fédéral de débloquer une partie de la somme, sans préciser combien, mais à condition que l'usage de cet argent soit strictement humanitaire.
La décision a été prise par 13 voix contre 11, ce qui montre une fois de plus à quel point ce sujet divise au Parlement. Cependant, la même commission a voté par 12 voix contre 9 et 1 abstention une motion qui demande à l'avenir de ne plus passer par l'UNWRA pour l’aide d’urgence sur place. Le conseiller national Nicolas Walder (V/GE) a dénoncé dans un communiqué «deux propositions complètement contradictoires: les partis bourgeois jouent la montre et empêchent une prise de décision rapide».
Sa collègue Laurence Fehlmann Rielle (PS/GE) est également déçue: «L’UNRWA est indispensable dans la bande de Gaza. Au vu de la situation catastrophique sur place, il est scandaleux que seule une partie de la somme prévue soit versée à l’UNRWA».
Les 20 millions de la discorde
La querelle a débuté en décembre denier. Lors de la discussion sur budget 2024, un élu UDC d'Appenzell, David Zuberbhüler, membre du groupe d'amitié Suisse-Israël, a déposé une proposition individuelle pour biffer le montant de 20 millions de francs, qui figurait dans le budget du Département fédéral des affaires étrangères.
L'UNWRA trop proche du Hamas
Ce montant était destiné et promis à l'agence onusienne d'aide aux réfugiés palestiniens. Il aurait dû passer sans histoire, mais l'élu UDC a réussi à en faire un enjeu de politique intérieure dans les suites du massacre du 7 octobre en Israël. La Suisse a évidemment condamné cet acte terroriste et le Parlement a également voté pour bannir à tout jamais le Hamas de près ou de loin.
Mais David Zuberbhüler a trouvé une oreille attentive chez certains élus des autres partis bourgeois, le PLR et Le Centre. Dans chacun d'eux figurent des membres du groupe d'amitié Suisse-Israël. L'UNWRA a été dénoncée comme étant trop proche du Hamas et la Suisse n'avait pas à financer le terrorisme.
Accusations d'Israël
Voilà qui n'arrangeait pas les affaires d'Ignazio Cassis pour qui ce montant était promis. Finalement, en décembre, les élus du Centre ont changé d'avis pour maintenir la somme de 20 millions, tout en assortissant son paiement de conditions de surveillance.
Les choses auraient pu en rester là, mais en janvier, les autorités d'Israël ont dénoncé publiquement l'implication de 12 membres de l'UNWRA dans les massacres du 7 octobre. Douze personnes, sur les quelque 30'000 qui travaillent pour l'organisation, c'est peu. Mais cela a suffi pour que la Suisse bloque les 20 millions, comme d'autres pays d'ailleurs, en particulier les États-Unis ou l'Allemagne.
Les Etats-Unis bloquent toujours
La semaine dernière, l'ONU a rendu public le rapport indépendant de l'ancienne ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna. Il n'a pas apporté d'élément probant sur la participation de l'UNWRA dans les attaques du 7 octobre. Mais la méfiance demeure forte. Les États-Unis ne veulent toujours pas revenir sur leur décision de bloquer leur aide. Par contre, l'Allemagne a décidé de verser à nouveau sa contribution.
Depuis, en Suisse, de nombreux appels au Conseil fédéral ont été lancés par des ONG, les Verts, le Parti socialiste et des personnalités comme les anciennes conseillères fédérales Micheline Calmy-Rey ou Ruth Dreifuss
Amnesty satisfaite, mais prudente
L'organisation Amnesty International a déposé lundi une pétition avec 45 000 signatures pour que l'argent soit versé à L'UNWRA. Ce mardi, elle se déclare satisfaite des recommandations de la commission du Conseil national: «Alors que plus de deux millions de personnes sont menacées par la faim et la guerre dans la bande de Gaza, la commission a pris la bonne décision en acceptant de verser au moins une partie de l'aide à l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens », déclare Patrick Walder d'Amnesty International Suisse.
«Par cette décision, la Suisse ne suit donc pas les exigences du gouvernement israélien et ses accusations diffamatoires contre l'agence d'aide de l'ONU, note Amnesty, mais respecte – même si c'est avec hésitation – ses obligations humanitaires».
Conseil fédéral divisé
Cependant, la décision finale revient au Conseil fédéral. On ne sait quand. Selon les informations du journal «Le Temps», il semble que les deux socialistes et la présidente (Elisabeth Baume-Schneider, Beat Jans et Viola Amherd) sont pour verser l'argent. Les deux UDC et la cheffe des finances PLR (Albert Rösti, Guy Parmelin et Karin Keller-Sutter) sont contre.
Au milieu, Ignazio Cassis devrait donc trancher dans un monde qui veut ménager la chère et le chou... Il n'est pas tenu de suivre la recommandation du Conseil national. D'autant que la commission sœur des États ne s'est pas encore prononcée.