Dans les coulisses du meilleur western du moment

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Bande dessinéeDans les coulisses du meilleur western du moment

Le dessinateur Ralph Meyer et la coloriste Caroline Delabie, présents à BDFIL, nous racontent la création de la série «Undertaker».

Michel Pralong
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Michel Pralong

En 2015, après avoir signé le premier tome de la série «XIII Mystery» consacré à la Mangouste, puis le diptyque «Asgard», le dessinateur Ralph Meyer et le scénariste Xavier Dorison lance une nouvelle série: «Undertaker». Ce western s'impose très rapidement parmi les classiques de la BD et les 7 tomes parus se sont vendus à 900'000 exemplaires. Ralph Meyer et sa compagne Caroline Delabie, qui est également sa coloriste, étaient présents le week-end dernier à BDFIL et ils nous expliquent comment se fait un album de cette série.

«Le western, je m'étais d'abord interdit d'y toucher, précise Raph Meyer. J'ai une filiation graphique avec Jean Giraud et je me voyais mal faire mieux que sa série «Blueberry». Mais à 40 ans, je me suis dit que cela serait tout de même bête de passer à côté du genre. J'ai proposé le personnage d'«Undertaker» à Xavier. J'avais l'idée de ce croque-mort, parce que graphiquement, avec son long manteau et son chapeau, il était immédiatement reconnaissable. Xavier a ajouté le vautour Jed et, bien sûr, les fameux aphorismes de Jonas Crow.»

La série se décline en diptyques. «Xavier se sent à l'aise avec une histoire qui se déroule sur deux tomes, cela permet d'approfondir les personnages, mais aussi de changer de sujet et d'ambiance tous les deux albums.»

Souvent, la couleur précède l'histoire

Et si vous pensiez que la naissance d'un diptyque se faisait sur une idée de scénario, détrompez-vous. «Souvent, c'est la couleur qui précède l'histoire», nous explique Caroline Delabie. Elle est coloriste pour Ralph depuis sa série «Ian». «Il m'avait laissé faire un essai et cela lui avait plu et nous avons commencé ainsi». «Oui, mais maintenant je suis moins dirigiste avec toi, il me semble». «Pas du tout, tu l'es plus qu'avant, tu es plus perfectionniste avec «Undertaker»». «Oui, parce c'est mon bébé».

Passé cette mise au point, Caroline nous précise que chaque diptyque est dominé par des teintes. Pour «Mister Prairie», qui sera suivi par «Le monde selon Oz», c'est la couleur du feu. Avec un incendie en couverture, un shérif roux, la lumière des lampes à huile.

Chacun, dans le trio scénariste, dessinateur et coloriste fait part de ses envies. Et soit Xavier pioche dans un réservoir de pitch, qui en contient une quinzaine, soit un nouveau thème s'impose. On aurait pu croire que la remise en question de l'avortement aux États-Unis avait inspiré la très religieuse et terrifiante Oz, fanatique qui vient précisément s'opposer à un avortement, mais non. «L'histoire était écrite avant et l'actualité nous a rattrapé, dit Raph. Mais c'est cela qui est bien avec «Undertaker», c'est évidemment un western avec tous les codes du genre, mais il fait aussi écho à notre monde moderne.»

Oz, qui tient plus de l'inquisitrice que de la magicienne, comme son nom pourrait le faire croire, a un visage angélique qui n'est pas sans rappeler le tueur à gage Angel Face dans «Blueberry». «Xavier avait d'abord pensé à un homme, mais une femme, c'est mieux, je pense, dit Caroline, elle a l'air encore plus innocente.» «J'aime les personnages qui ont un physique à l'opposé de leur caractère, ajoute Ralph. Je lui ai fait des cheveux courts, façon Jeanne d'Arc, également, avec un côté asexué.»

La terrifiante et angélique madame Oz

Bien sûr, le dessin de Meyer rappelle celui de Giraud. «Mais il ne faut pas se fixer là-dessus, j'ai appris à regarder cela avec plus de perspective. Quelqu'un m'a rappelé que Giraud a d'abord été influencé par Jijé et qu'il lui a fallu une dizaine de «Blueberry» pour s'en démarquer, donc il n'y a pas un style, mais une filiation de style. Et mon découpage est très différent ce de celui de Giraud, cela, je regrette que cela soit moins souvent mis en avant.»

Caroline Delabie a son nom en couverture. «Car les trois, nous sommes au service de l'histoire. Il y a un vrai manque de reconnaissance des coloristes, encore aujourd'hui, et je suis contente d'apparaître en une de l'album». Le couple fait souvent les festivals ensemble, comme à Lausanne. ‹Mais je ne mets pas les dédicaces de Raph et couleurs, je me contente de signer›, dit Caroline. À cause des reventes sur eBay. Le phénomène est courant en BD: des gens viennent prendre la place des vrais admirateurs dans les files d'attente pour ensuite, dédicace faite, se précipiter pour la revendre aux enchères.

Belle cote sur le marché de la BD

«C'est pour cela que je fais une dédicace la plus simple possible, précise Ralph, cela me permet aussi d'être plus rapide et de contenter tout le monde. Un dessin léché et mis en couleurs aurait plus de succès aux enchères». Car les originaux de Ralph Meyer ont une belle cote sur le marché BD. «Cela a commencé avec «Asgard», mais c'est monté en puissance avec «Undertaker». Une cote, ça se construit, je l'ai fait avec le galeriste Daniel Maghen. Cela flatte l'ego et, il ne faut pas se le cacher, cela fait du bien au porte-monnaie.»

Notoriété et succès public pour «Undertaker»: «C'est vraiment très motivant quand on a une série qui est appréciée et reconnue, se réjouissent ensemble Raph et Caroline. On ne va pas la lâcher de sitôt, car les trois, nous avons beaucoup de plaisir à le faire et nous nous amusons.»

Record battu pour BDFIL

Deux heures avant la fermeture des portes dimanche 28 avril, le festival lausannois avait déjà battu son record de fréquentation avec 35 266 visiteurs. Plus de 2000 enfants ont en outre participé aux journées pédagogiques.

«Le public, les bénévoles et les artistes ont adopté le déménagement de BDFIL entre La Rasude, PLATERFORME 10 et la Maison de Quartier Sous-Gare! Les retours enthousiastes du public comme des artistes, des écoles et des partenaires du festival encouragent BDFIL à poursuivre cette célébration de la bande dessinée pour les prochaines années», dit la direction du festival.

Rendez-vous du 5 au 18 mai 2025 pour la 19ᵉ édition de BDFIL.

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