La Suisse à 10 millions d’habitants: une nécessité

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DémographieLa Suisse à 10 millions d’habitants: une nécessité pas simple à atteindre

La Suisse aura besoin de main-d’œuvre étrangère, mais ne pourra pas attirer autant de migrants que nécessaire à l’avenir, mettent en garde des spécialistes.

La Suisse a franchi le cap des 9 millions d'habitants l'année dernière.

La Suisse a franchi le cap des 9 millions d'habitants l'année dernière.

20min/Matthias Spicher

Dans un rapport sur les finances publiques jusqu’en 2060, paru cette semaine, Karin Keller-Suter attirait l’attention sur les coûts supplémentaires massifs qui attendent notre pays à cause du vieillissement de sa population. Les prévisions de la ministre des Finances tablent sur une augmentation de la population active, avec une Suisse à 10 millions d’habitants.

Mais, selon les chercheurs en démographie, cet objectif pourrait devenir difficile à atteindre. Cela non pas à cause d’une immigration trop importante – comme le craignent beaucoup – mais d’une immigration trop faible à l’avenir. Hendrik Budliger, directeur de Demografik, spécialisée en études publiques et privées sur le thème du vieillissement, voit ainsi un fort risque que la Suisse ne puisse pas attirer assez de migrants à l'avenir. Car le nombre de travailleurs diminue dans l’Europe entière. Selon des estimations de l’ONU, rien que l’Allemagne et l’Italie – où les employeurs suisses recrutent volontiers – compteront 18 millions de personnes actives en moins d'ici 2050. C'est un défi en matière de financement des retraites et des infrastructures. Si bien que les spécialistes prévoient un éventuel dépeuplement de régions entières dans ces pays.

La politique occulte la démographie

Et pour la Suisse, cela signifie un fort risque de ne pas pouvoir attirer suffisamment de migrants à l'avenir. «Si nous ne devenons pas une Suisse à 10 millions d'habitants, la population active diminuera aussi chez nous et nous devrons assumer des dépenses supplémentaires considérables pour le vieillissement, précisément à une époque où les recettes fiscales sont en baisse», note Hendrik Budliger. D'ici 2040, le scénario moyen de l'évolution démographique prévoit certes une croissance de 12% de la population totale, pour atteindre les 10 millions d'habitants. Mais la population suisse en âge de travailler n'augmenterait que de 4%. C’est peu, alors que ce sont avant tout ces travailleurs qui paient l'AVS, les infrastructures ou les maisons de retraite.

Les experts prévoient d’ailleurs que le recul de la population active devienne un sujet aussi important pour l'Europe que le changement climatique. «Je trouve donc extrêmement frustrant que la politique occulte presque complètement le thème de la démographie», déplore Uwe Sunde de l'Institut d'économie politique de l'Université de Munich.

Indemnités pour migrants

Alors que les politiques européens veulent lutter contre la migration, les experts en population vivent déjà dans la réalité de demain, écrit la «NZZ am Sonntag». Le spécialiste suisse Hendrik Budliger rapporte ainsi que, lors d'une conférence sur la démographie dans les pays nordiques et l’Allemagne en mars dernier à Hambourg, a été discutée la possibilité que les pays se paient à l'avenir des indemnités pour les migrants. Selon les spécialistes, cette main-d’œuvre proviendra notamment du Congo, d'Inde, du Nigeria et du Pakistan. Car dans ces pays, l'offre de main-d'œuvre augmentera de plus de 400 millions de personnes d'ici à 2050.

Une agression raciste toutes les 19 heures

En 2023, le Réseau de centres de conseil pour les victimes du racisme a signalé plus de cas de discrimination envers des étrangers que jamais, selon un rapport à paraître de la Confédération, rapporte le «SonntagsBlick». 876 de ces cas (soit une agression toutes les 19 heures) ont été documentés et évalués par le Réseau. Le journal cite pour exemples les cas d’écoliers qui enferment des jeunes de couleur dans la salle des machines et leur lancent des insultes racistes. Ou encore celui d’un passant qui traite un homme de «nègre» et le bat jusqu'au coma.

La plupart de ces incidents ont eu lieu dans le secteur de l’éducation et dans l’espace public et sont motivés par la xénophobie et le racisme anti-Noirs. Pour les spécialistes, cela montre «l’urgence d’un changement structurel et institutionnel dans les milieux éducatifs, le monde politique, mais aussi dans les secteurs de l’emploi et du logement».

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