Abus sexuelsL'Eglise réformée de Suisse veut aussi lever le tabou
Rita Famos, présidente de l'Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS), annonce une étude auprès de 80'000 personnes sur les abus sexuels en son sein.
L'Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS) souhaite mener ce qui serait la plus grande enquête jamais réalisée sur les abus sexuels dans notre pays. Cela par l’envoi d’un questionnaire à 80'000 personnes. Une demande de financement de 1,6 million de francs a été déposée à cet effet auprès du Synode de l'Eglise, rapporte Rita Famos, présidente de l’Eglise réformée dans la «NZZ am Sonntag» du jour. La réponse est attendue pour juin prochain.
Témoignages de victimes chaque semaine
Rita Famos rapporte que, depuis le début de l'année, presque chaque semaine, l’EERS reçoit des témoignages de victimes d’abus sexuels en son sein: «Il s'agit de cas graves, on parle alors de viol et de contrainte. Les personnes concernées racontent leur histoire parce qu'elles veulent nous montrer que l'Eglise réformée a aussi un problème avec les abus. Elles se sentent encouragées à le faire, car elles savent que nous abordons désormais le sujet», constate la présidente.
L’Eglise réformée ne réagit qu’aujourd’hui parce que ses responsables ont longtemps eu le sentiment que le sujet ne les concernait pas plus que le reste de la société, explique Rita Famos. Cela parce que son Eglise ne connaît pas le célibat des prêtres ni de morale sexuelle rigide. Mais désormais, elle veut notamment savoir où se produisent les abus et à quelle fréquence.
C’est une étude de l'Eglise évangélique allemande sur la violence sexuelle en son sein qui a ouvert les yeux à l'EERS. L’enquête chez notre voisin avait abouti à l’accusation de plus de 1000 personnes pour de tels actes au cours des dernières décennies.
Lever le tabou sur le sujet
Rita Famos précise qu’à la différence de l’Eglise catholique, l’EERS ne vit pas d'un pouvoir institutionnel: «Chez nous, il s'agit plutôt de conviction et de charisme. Nos ministres sont souvent bien formés, s'expriment avec aisance et ont un fort pouvoir de persuasion.» Les aumôniers établissent ainsi une profonde relation de confiance avec les membres de l’Eglise et «cela peut être abusé avec des conséquences désastreuses», reconnaît Rita Famos. «Un agresseur charismatique est en outre moins remis en question par nos autorités de milice ecclésiastiques et plus rarement arrêté», ajoute-t-elle. Le résultat de l'enquête de l’EERS devrait être disponible d'ici fin 2027.
«Il est des souffrances qu’on ne peut pardonner»
Pour Rita Famos, «le pardon est l'aboutissement d'un processus dans lequel on pardonne à un interlocuteur ses actes ou ses propos.» Néanmoins, il ne faut pas pardonner chaque acte, car cela présuppose que l'auteur a reconnu ses actes, ce qui n'est souvent pas le cas. Tout comme certaines souffrances dues aux abus sexuels vont au-delà de ce qu’on peut pardonner: «Chaque agression laisse des traces à vie», note-t-elle. De plus, le concept chrétien du pardon peut justement favoriser les abus: «Par exemple quand une adolescente croyante pardonne sans cesse ses actes à son bourreau au lieu de dénoncer les agressions.» C’est une partie du problème auquel l’Eglise est confrontée aujourd’hui, déplore la présidente.