Le formidable bénéfice de Romande Energie fait des étincelles

Dans un communiqué daté du 23 avril, la société de distribution d'électricité Romande Energie a rendu public «des résultats 2023 hors normes, induits par une très bonne performance opérationnelle et par une conjonction de circonstances exceptionnelles». Le chiffre d'affaires est en hausse de 24% à 928 millions de francs.

Au 31 décembre 2023, le bénéfice du Groupe s’est élevé à 215 millions de francs contre 41 millions en 2022. «Cette progression est principalement due à la contribution d’Alpiq à hauteur de CHF 140 millions», indique Romande Energie dans son communiqué.

Cette performance exceptionnelle fait toutefois des étincelles sur les réseaux sociaux. Tout le monde se souvient que Romande Energie, en août 2022, en pleine crise de l'électricité, avait annoncé une hausse substantielle de ses tarifs 2023 pour les ménages de 49%.

Si l'on divise aujourd'hui ces 215 millions de bénéfices par les quelque 300'000 clients de Romande Energie, cela représente plus de 700 francs par client pour 2023. Toutefois, dans l'édition de «24 Heures» de ce mardi, son directeur général, Christian Petit, conteste ce type de calcul: «Une partie de ce bénéfice est due aux bonnes performances d’Alpiq, dont nous sommes actionnaires. Mais ces 140 millions ne sont qu’une écriture comptable, car l’action a été revalorisée en Bourse. En réalité, nous ne touchons pas de cash. L’autre partie est liée au rattrapage de nos coûts d’énergie».

La forte hausse des prix de l’énergie subie en 2021 et 2022 n’a été répercutée qu’au 1ᵉʳ janvier 2023, selon le mécanisme de fixation des tarifs.

Si l'on oublie les 140 millions, il reste quand même 75 millions de francs (250 francs par client). 37 millions seront distribués aux actionnaires, dont le principal est l’État de Vaud avec 38,6%, puis le Groupe E, la Banque Cantonale Vaudoise, la commune de Lausanne et d’autres communes. Les dividendes demeurent inchangés à 1,44 franc par action, précise Christian Petit.

Il ajoute aussi qu'en 2023, l'entreprise a dépensé 200 millions de francs pour construire des chauffages à distance et des parcs solaires. «Je tiens à souligner que nous ne gagnons pas d’argent sur le dos de nos clients. Le régulateur impose une marge brute et fixe de 60 francs par compteur et par an quel que soit le prix du kWh ou la quantité consommée, donc cela n’a pas d’impact sur nos résultats».

L'année dernière, l'actuelle conseillère nationale Jessica Jaccoud (PS/VD) avait déposé devant le Grand Conseil vaudois une interpellation sur la pratique des dividendes de la grande société de distribution. «Versement de dividendes ou maintien du pouvoir d’achat des ménages?», s'interrogeait-elle, en pointant du doigt «des décisions qui laissent penser que la société oriente plus sa stratégie dans une optique d’optimisation des profits et de satisfaction des actionnaires, plutôt que de réaliser des objectifs de service public».

Le Conseil d'État lui avait répondu: «Si des tarifs bas participent au pouvoir d’achat des ménages et à la compétitivité des entreprises, les dividendes participent, non seulement à l’attractivité de la société, mais également au budget de fonctionnement des collectivités actionnaires, dont l’État et certaines communes, et de caisses de pension ».

Jessica Jaccoud réagit aujourd'hui au formidable bénéfice 2023 de Romande Energie. Sur le fond, elle partage l'avis du Conseil d’Etat: «Le budget des collectivités publiques doit pouvoir être maintenu, voire renforcé, mais surtout à travers l’impôt, qui respecte le principe de capacité contributive. Dans ce contexte, je regrette que le Canton de Vaud a choisi de faire un important cadeau fiscal aux riches. J’aurais préféré qu’il choisisse comme priorité le pouvoir d’achat des ménages avec des mesures ciblées comme le tarif de l'électricité. C’est une grosse occasion manquée, qui traduit les nouvelles priorités du gouvernement à majorité de droite».

Pour les clients de Romande Energie, ce bénéfice record 2023 ne changera rien à court terme. Christian Petit anticipe un résultat financier en recul en 2024 pour diverses raisons: «D’abord le contexte international est encore bouleversé, ce qui provoque des incertitudes sur les prix. Ensuite, nous sommes suspendus à la météo: si l’été est très sec, nous devrons davantage acheter sur les marchés. Troisièmement, il n’y aura plus, cette année, d’effet de rattrapage sur les prix de l’électricité payés au prix fort en 2021 et 2022».

Les tarifs 2025 seront communiqués au mois d'août.