Israël-Palestine: la Suisse marche sur des oeufs

Publié

CommentaireIsraël-Palestine: la Suisse marche sur des oeufs

Le conflit au Proche-Orient divise plus que jamais la classe politique, en coulisses.

Eric Felley
par
Eric Felley
Ignazio Cassis en février dernier, lors de l'ouverture de la 55e session du Conseil des droits de l'homme à Genève.

Ignazio Cassis en février dernier, lors de l'ouverture de la 55e session du Conseil des droits de l'homme à Genève.

AFP

Le conflit israélo-palestinien continue de créer des tensions politiques dans la Berne fédérale. Lors de la session de décembre dernier, sous l'impulsion de l'UDC et des partis bourgeois, le Parlement a contesté l'aide de 20 millions de francs à l'UNWRA, l'organisation onusienne d'aide aux réfugiés palestiniens. Finalement, les 20 millions sont demeurés au budget, grâce à la volte-face du Centre.

Mais en janvier, les accusations portées par Israël contre 12 membres de l'UNWRA, qui auraient participé au massacre du 7 octobre avec le Hamas, ont relancé la polémique. Depuis, les 20 millions sont toujours bloqués. Les États-Unis, qui font figure de boussole dans cette affaire, ont bloqué également leur aide beaucoup plus substantielle.

20 millions en otage

Mardi, le rapport d'enquête sur l'UNWRA a été publié à l'ONU. Les enquêteurs n'ont pas pu étayer de manière probante l'implication des 12 collaborateurs de l'UNWRA. On aurait pu s'attendre à ce que ce rapport débloque la situation. Mais le Conseil fédéral veut d'abord l'analyser en profondeur avant de décider. À Berne, ces 20 millions sont devenus un enjeu hautement sensible. Si la Suisse verse l'argent, cela provoquera la colère de la droite favorable à Israël. Si elle ne le verse pas, cela provoquera celle des milieux propalestiniens et la déception du diplomate suisse Philippe Lazzarini, qui dirige l'UNWRA.

La semaine dernière, au Conseil de sécurité de l'ONU, le Conseil fédéral a changé d'avis au moment de valider le processus de reconnaissance de la Palestine en tant qu'État membre de l'ONU. La Suisse s'est abstenue parce que «l’adhésion pleine et entière de la Palestine à l’ONU n’est pas appropriée à l’heure actuelle», a expliqué le chef des affaires étrangères, Ignazio Cassis. Cela ne remet pas en cause la solution à deux États prônées par la Suisse, a-t-il promis. Mais ce sera pour plus tard. De toute façon, les États-Unis avaient mis leur veto.

Marchandage souterrain

Le Conseil fédéral a changé d'avis après avoir consulté les commissions de politique extérieure du Parlement. Il a suffi qu'un petit nombre d'élus du Conseil des États interviennent pour que le Conseil fédéral renonce à une décision qui aurait pu fâcher du côté d'Israël. Dorénavant, la Suisse devrait se positionner aussi sur des sanctions européennes visant certains colons israéliens en Cisjordanie. Là aussi, il faut s'attendre à des contorsions pour reprendre ou pas ces sanctions.

À Berne, tout ce qui concerne ce conflit fait l'objet d'un intense marchandage souterrain et beaucoup de non-dits. La difficulté est que toute décision à l'encontre d'Israël ou favorable à la Palestine nourrirait un soupçon d'antisémitisme. Mais tout le monde est conscient aussi que le droit d'Israël à se défendre a des limites, qui ont été largement dépassées depuis son invasion destructrice de la bande de Gaza.

Ton opinion

50 commentaires