Enquête sur Boeing«On m’a dit de la fermer, j'ai reçu des menaces physiques»
L'ingénieur qui a alerté sur les problèmes de sécurité des appareils Boeing 787 et 777 a témoigné mercredi devant une commission du Sénat américain.
Quatre lanceurs d’alerte, dont des employés actuel et anciens de Boeing, ont témoigné mercredi devant une commission d’enquête du Sénat américain pour exposer les «graves problèmes» de production des avions Boeing 737 MAX, 787 Dreamliner et 777.
«Je ne suis pas ici parce que j’ai envie d’être ici. Je suis ici parce que (...) je ne veux pas voir le crash d’un 787 ou d’un 777», a déclaré devant les sénateurs Sam Salehpour, ingénieur qualité auprès de l'avionneur depuis dix-sept ans.
«J’ai de sérieuses inquiétudes concernant la sécurité du 787 et je suis prêt à prendre le risque professionnel d'en parler», a-t-il affirmé, disant avoir également repéré des problèmes sur le 777.
«Sauver de nombreuses vies»
«J’ai été mis à l’écart. On m’a dit de la fermer, j’ai reçu des menaces physiques», a poursuivi l’ingénieur. «Si quelque chose m’arrive, je suis en paix, parce que j’ai le sentiment que, en témoignant ouvertement, je vais sauver de nombreuses vies.»
C’est un courrier adressé par ses avocates à plusieurs destinataires, dont l’Agence américaine de régulation de l’aviation civile (FAA), qui est à l’origine de l’ouverture d’une enquête sénatoriale.
Outre Sam Salehpour, les membres de la commission d’enquête ont également entendu Ed Pierson, un ancien responsable de Boeing notamment sur le programme du 737 MAX. «J’ai fait tout ce que j’ai pu pour dire au monde que le MAX n’était toujours pas sûr et pour alerter les autorités sur les dangers de la production de Boeing», a-t-il expliqué. Mais «rien n’a changé après les deux crashs».
Près de 350 morts
Les 737 MAX ont été cloués au sol dans le monde entier après les crashs à cause de défauts de conception de deux appareils, en 2018 et en 2019, qui ont fait au total 346 morts. «À moins qu’une action soit menée et que les dirigeants soient mis devant leurs responsabilités, chaque personne montant à bord d’un Boeing prend un risque», selon Ed Pierson, qui a estimé que la supervision de la FAA était «inefficace et réactive».
La commission d'enquête a aussi interrogé Joe Jacobsen, qui a travaillé vingt-cinq ans à la FAA après onze ans passés chez Boeing, et Shawn Pruchnicki, spécialiste en sécurité aérienne et ancien pilote de ligne.
Les accusations se multiplient
L’audition de mercredi sera suivie de plusieurs autres, avec des responsables de Boeing et de la FAA notamment appelés à témoigner, a précisé le sénateur démocrate Richard Blumenthal, président de la commission d’enquête, en préambule. «Il y a de plus en plus de graves accusations selon lesquelles la culture de la sécurité chez Boeing est brisée et que ses pratiques sont inacceptables», a relevé Richard Blumenthal, précisant avoir reçu de nombreux témoignages ces derniers jours.
Boeing a encore défendu ses avions mercredi avant l’audition, se disant toujours «confiant dans la sécurité et la durabilité des 787 et 777». Deux ingénieurs avaient notamment démenti lundi que quelque 1400 avions Boeing comporteraient des failles de sécurité importantes.
«Boeing comprend l’importance des responsabilités de la commission en matière de supervision et nous coopérons à cette enquête», a répété le groupe pendant plusieurs jours, affirmant avoir «offert de fournir documents, témoignages et briefings techniques».
Le sénateur Richard Blumenthal avait déjà appelé le Ministère de la justice à vérifier si Boeing respectait l’accord conclu en 2021 pour éviter un procès lié aux deux accidents. Les révélations au cours de l’audition vont sans doute accroître encore la pression.
Perte d'une porte en vol
Désormais, trois des quatre modèles d’avions commerciaux actuellement fabriqués par le groupe américain sont officiellement visés par une enquête du régulateur. Il examine désormais aussi la famille du 737, avion vedette de Boeing, après qu’un 737 MAX 9 d’Alaska Airlines a perdu une porte-bouchon en vol, le 5 janvier.
Un audit de la FAA a identifié des «problèmes de non-conformité» chez le constructeur et chez son sous-traitant Spirit AeroSystems.
L’incident d’Alaska s’est produit dans le sillage de plusieurs problèmes de production en 2023, concernant le 737 MAX et le Dreamliner.