FestivalLenny Kravitz, Justice et Dionne Warwick au Montreux Jazz 2024
Cohérente, abondante, parfois étonnante, la programmation de la 58e édition avec sa nouvelle scène du Lac devrait faire beaucoup d'heureux. La billetterie ouvre vendredi à midi.
- par
- Laurent Flückiger
Les organisateurs du Montreux Jazz Festival l'ont souvent répété: ils aiment les défis, la nouveauté, ils n'aiment pas se reposer sur des acquis. Pour les infrastructures, ils seront servis. On le rappelle, une configuration inédite a été dévoilée l'automne. Ainsi, le centre des Congrès, en travaux pour deux éditions, laisse place à une scène extérieure au bord du lac de 5480 places et une au Casino de 1307. Soit une capacité plus grande que l'auditorium Stravinski (4000) pour la première et plus petite que le Lab (2000) pour la seconde.
La donne pourrait être simple, mais le festival ne s'est pas contenté d'adapter sa billetterie aux nouveaux lieux. «On a voulu brasser les cartes et ne pas faire un copier/coller du Stravinski et du Lab», promet le directeur du festival, Mathieu Jaton, en dévoilant la programmation. À savoir, une scène du Lac avec plusieurs soirées avec deux artistes tout aussi populaires l'un que l'autre et une scène du Casino tournée vers les jeunes pousses, le groove, le jazz et la musique urbaine — exit le rap français qui secoue.
Massive Attack en plein air à Montreux
Sur la place du Marché, le public pourra s'offrir des «doubles plateaux» assez formidables, à savoir Jon Batiste et Trombone Shorty (5 juillet), Rag'n'Bone Man et Sting (17), PJ Harvey et The National (9), Diana Krall et Jamie Cullum (13), Alice Cooper et Deep Purple (8). On le voit, certains noms sont des habitués de la Riviera. On peut y ajouter Paolo Nutini (le 10 juillet avec Jessie Ware) et Zucchero (le 6 avec James Arthur), qui avait donné pas moins de cinq concerts à Montreux en 2022. On peut regretter un manque de surprise de ce côté-là.
Il est compensé par la programmation de Justice (12), Lenny Kravitz (16) et, pourquoi pas, des Smashing Pumpkins avec trois des quatre membres originaux (7). Vulfpeck (14), collectif de jazz-funk américain qui rend dingues ses fans avec son groove, est pour la première fois en Suisse depuis sa création en 2011. Après son annulation à la der l'an dernier, Janelle Monáe partage sa soirée (18) avec Raye, nouvelle sensation du R'n'B — pas moins de six Brit Awards raflés en 2024, un record. Massive Attack (15), en plein air au bord du lac, ça devrait être quelque chose. Enfin, on a un petit faible pour le revival 80s de la soirée de clôture (20) avec Soft Cell et Duran Duran.
Proximité et intimité au Casino
L'autre partie payante du festival se déroulera au premier étage du Casino, dans une salle offrant proximité et intimité. Mathieu Jaton met en avant «deux artistes qui incarnent ce qu'on a voulu y faire»: l'Islandaise Laufey et l'Américain D4VD (19 juillet). Ils sont jeunes, respectivement 24 et 19 ans, et font bouger les lignes du jazz et de la pop après avoir été révélés sur TikTok. Mahalia et The Yussef Dayes Experience (8), Kokoroko et Masego (11), Jalen Ngonda (14), Noname (15), Thee Sacred Souls (20) incarnent la scène britannique jazz, groove et hip-hop et n'ont plus grand-chose à envier à leurs aînées Paloma Faith (12), Britanny Howard (14), Selah Sue (20).
La jeunesse aussi chez Yamê et Tyla (10), ainsi que Tems (16) et Tif (17), qui représentent les musiques urbaines avec le rappeur Disiz en mentor (17). Henry Moodie et Lauren Spencer-Smith (5) ont 20 ans et sont l'avenir de la pop face à Loreen, gagnante de l'Eurovision en 2012 et 2023, qui se produira après Santa du groupe Hyphen Hyphen (18).
La légende Dionne Warwick
Du côté des curiosités, André 3000, moitié d'Outkast, fera dans l'ambiance cosmique avec une flûte (15), -M- et le guitariste le plus titré au monde Thibault Cauvin s'associeront pour un voyage instrumental (6) et Asaf Avidan reviendra en solo le même soir (7) que le groupe zurichois Black Sea Dahu avec un quatuor à cordes.
On a gardé le meilleur pour la fin. En 1970, Claude Nobs programmait pour la première fois au Casino un jeune groupe anglais qui allait marquer les esprits: Pink Floyd. Plus de cinquante après, son batteur et cofondateur reprend les premiers morceaux psychédéliques du groupe. C'est Nick Mason's Saucerful of Secrets, à voir le 13 juillet. Après Diana Ross, une autre grande chanteuse américaine fait halte à Montreux, le 9 juillet: Dionne Warwick, 83 ans, devenue célèbre dans les années 1960 en tant que muse des compositeurs vedettes Burt Bacharach et Hal David. Parmi ses succès, «Walk On By», «Don't Make Me Over», «Do You Know The Way to San José», «Heartbreaker», «That's What Friends Are For». Elle est aussi la première à avoir enregistré «I Say A Little Prayer».
L'ouverture de la billetterie est demain, vendredi 19 avril, à midi. Le programme des scènes gratuites sera annoncé le 5 juin.
«Il y a toujours eu beaucoup de femmes à Montreux»
Trois questions à Michaela Maiterth et Rémi Bruggmann, programmateurs du Montreux Jazz Festival.
La plus grande capacité de la scène du Lac vous a-t-elle permis de programmer des artistes que vous ne pouviez pas avoir au Stravinski?
Michaela Maiterth: Pas des artistes mais des productions. Au Stravinski, on était toujours trop petits par rapport à ce qui fait sur des grandes scènes open air. Cela fait plusieurs années qu'on réduit la technique, on a l'habitude.
Rémi Bruggmann: Il n'y aura pas de concession à faire sur Massive Attack ou Justice, par exemple.
A contrario, le Casino est plus petit que le Lab.
R. B.: Et une partie des places sont assises. On a donc très vite fait le constat qu'on n'allait pas faire de rap français. Disiz et Tif sont des projets assez spéciaux où le public ne va pas sauter dans tous les sens.
La parité hommes-femmes dans la programmation semble atteinte. Elle est recherchée?
M. M.: On est tributaires de qui tourne ou pas et on ne va pas sacrifier la vie du festival pour faire des quotas. Il y a toujours eu beaucoup de femmes à Montreux parce qu'il y a de grandes artistes femmes. Soit on est bon, soit on n'est pas bon.