Avec l’IA, mieux vaut être jardinier que greffier

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Marché du travailAvec l’IA, mieux vaut être jardinier que greffier

Être bien formé ne protégera plus contre les changements du monde du travail liés à l’automatisation de nombreuses tâches par l’intelligence artificielle (IA).

Il fait bon être jardinier avec le développement de l'IA.

Il fait bon être jardinier avec le développement de l'IA.

Pixabay

À l’heure de l’intelligence artificielle (IA), le marché de l’emploi est en plein chamboulement. «Désormais, ce sont les cols blancs bien qualifiés qui doivent trembler à leur bureau», constate la «NZZ am Sonntag» du jour qui cite l’exemple d’UPS: l’entreprise vient d’annoncer la suppression de 12'000 emplois sur 85'000 dans le personnel d'encadrement. Justification: le gain d'efficacité de l'IA qui permettra, entre autres, le calcul automatisé des prix. Les coursiers et chauffeurs – les cols bleus – ne sont en revanche pas touchés par cette rationalisation. Car l’IA ne saurait livrer des paquets.

Mieux vaut être jardinier que greffier

Selon le Pew Research Center américain, les professions les plus menacées par l’IA sont les dessinateurs en bâtiment, les comptables, les designers, les informaticiens, les greffiers ou encore les employés spécialisés. À l’inverse, les services à la personne tels l'esthétique, les soins et l'assistance, les jardiniers ou encore les services de pompiers sont considérés comme sûrs, rapporte la «NZZ am Sonntag».

Une nouvelle étude du professeur Stefan Wolter montre par ailleurs que l'IA influence déjà les préférences des jeunes lors de la recherche d'une place d'apprentissage.

Pire qu'un licenciement ordinaire

«Avec une bonne formation, on était jusqu’ici assuré de pouvoir se protéger des bouleversements sur le marché du travail», note Stefan Wolter, professeur d'économie de l'éducation à l'Université de Berne. «Mais les nouvelles technologies font que le savoir-faire acquis dans certains métiers perd brutalement de sa valeur», ajoute-t-il. Pour les concernés, une telle perte d'emploi est pire qu'un licenciement ordinaire. Car si une catégorie professionnelle disparaît à large échelle, ces personnes ne trouveront pas non plus de travail dans une autre entreprise ou branche, souligne le professeur.

Absence de culture de la reconversion

Cette évolution nécessite donc des possibilités de reconversion, plus difficiles pour les personnes de 40 ans et plus, indique Stefan Wolter. Mais ces possibilités manquent, constate aussi Pascal Scheiwiller, expert en ressources humaines chez Von Rundstedt: «La mobilité entre les différentes professions et branches est très faible en Suisse. Nous n'avons pas de culture de la reconversion.»

Et même lorsque des offres de reconversion existent, «l’obstacle à franchir pour se remettre sur le terrain à un âge avancé est élevé». L'économie doit donc repenser sa pratique de recrutement pour les personnes qui changent d'orientation, demande Stefan Wolter.

L’incertitude des actifs

Une recherche de Stefan Wolter montre notamment que «l'émergence de l'intelligence artificielle a provoqué une incertitude massive chez les actifs, avec une crainte fortement répandue que le progrès technologique dévalorise les qualifications professionnelles, voire qu'il entraîne la perte de l'emploi».

Pour faire face à l’évolution du marché du travail, l’expert en ressources humaines Pascal Scheiwiller demande d’ailleurs que l’on tienne mieux compte dans notre système scolaire des changements technologiques induits par l’IA et des compétences futures dont auront besoin les élèves: des capacités transférables comme la compétence d'apprentissage, la constitution d'un réseau ou l'autogestion.

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