États-UnisUne politicienne transgenre déchaîne les passions
Une partie des électeurs d'une petite ville californienne s'estiment avoir été trahis par Raul Urena, qui a révélé son changement de genre peu après son élection.
Lorsqu’ils ont voté pour Raul Urena en 2020, les habitants de Calexico souhaitaient injecter du sang neuf au sein du Conseil municipal de cette ville californienne lestée par le chômage, la délinquance et la corruption.
Mais quand cette politicienne transgenre de 26 ans, qui a fait campagne avec l’apparence d’un homme, s’est mise à porter robes et talons, cela en a déboussolé plus d’un dans ce bastion latino, à majorité catholique.
Ciblée par un référendum appelant à sa révocation, elle s’estime désormais victime d’une campagne de haine. «Dès le début, ce mouvement d’opposition a été transphobe à mon égard», assure à l’AFP la politicienne, qui utilise des pronoms féminins.
Ses détracteurs dénoncent eux son programme trop à gauche, qui mêle compassion envers les usagers de drogues et installation de chargeurs pour voitures électriques, dans un endroit où peu ont les moyens d’acheter un véhicule propre.
«Je n’ai pas voté pour ça», confie Angela Moreno, une habitante de 62 ans. «J’ai voté pour lui car c’était un jeune homme qui (...) représentait un bon changement», ajoute cette retraitée.
La controverse autour de Mme Urena a plongé Calexico dans les guerres culturelles qui divisent l’Amérique de Joe Biden et Donald Trump. Un comble pour cette ville frontalière avec le Mexique, habituée à voter démocrate. Ici, la vieille garde du parti et la jeune génération, plus à gauche, ne se supportent plus.
Ascension éclair
Perdue dans le désert, Calexico est située dans un comté rural qui souffre d’un taux de chômage astronomique: 17% en 2023, le plus haut de Californie. Les jeunes ont tendance à fuir cet endroit, pour chercher une vie meilleure ailleurs.
Mais après avoir étudié l’économie à l’Université de Californie à Santa Cruz, près de San Francisco, Mme Urena a décidé de revenir dans sa ville en 2020. Elle signe alors une ascension politique éclair, en remportant l’élection partielle provoquée par le retrait d’un conseiller municipal condamné pour corruption.
Fin 2022, elle a été réélue pour un mandat de quatre ans, ce qui lui a permis de devenir la première maire transgenre de Calexico – ville où la fonction est attribuée à un conseiller municipal différent chaque année. Sa transidentité n’a jamais été un secret, selon elle.
«Les gens se moquent de mon identité de genre depuis 2020», insiste la politicienne. Mais ce n’est qu’après sa réélection qu’elle a assumé de porter des robes en public. Quelques mois plus tard, ses opposants déchus ont monté une campagne pour récolter des signatures afin de la révoquer. Ils en ont obtenu assez pour provoquer l’organisation d’un référendum local, qui aura lieu mercredi.
Débats identitaires
Partisan de cette initiative, l’ancien maire Alex Perrone fustige l’inexpérience de Mme Urena et son manque d’écoute envers l’opposition. «Si vous assistez à une réunion du Conseil et que vous dites quelque chose qui va à l’encontre de ses convictions, de son programme, vous êtes son ennemi», assure-t-il. «Il vous fera escorter par la police.»
Certains habitants se sont aussi sentis floués par son changement d’apparence, reconnaît-il. «Lorsqu’il a fait campagne, il portait un joli petit pantalon et une chemise. Après avoir été élu, il a commencé à porter une robe», raconte-t-il. «Il a trompé les gens. Ils pensaient voter pour une personne, mais ils votaient pour une autre.»
Le mouvement pour révoquer Mme Urena insiste toutefois sur le fait que sa transidentité est hors de propos. La tentative de révocation vise également d’autres conseillers municipaux, jugés trop progressistes. «Ce rappel ne se concentrera pas sur la vie de quiconque en raison de ses choix personnels et sexuels», rappelle la page Facebook de l’initiative.
Mais à Calexico, les débats identitaires prennent désormais une place démesurée. Le choix de faire flotter le drapeau LGBT+ a suscité une vive polémique. Et les Conseils municipaux menés en espagnol, sans traduction anglaise, sont également l’objet de controverses.
Le Conseil municipal a beau être majoritairement démocrate, il ne parvient plus à s’accorder sur grand-chose, explique Gilberto Manzanarez, lui aussi visé par le référendum. «Même l’approbation du chef de la police n’a pas été unanime», souffle-t-il. «Cela montre que ce Conseil est aussi divisé et fracturé que la communauté.»