BruxellesLe Parlement européen adopte la réforme de la politique migratoire
Ursula von der Leyen a salué «un énorme pas pour l’Europe» après l’adoption mercredi par les eurodéputés d’une réforme de la politique migratoire européenne, sujet qui divise les Vingt-Sept depuis des années.
Après des années d’âpres négociations, les eurodéputés ont adopté mercredi une profonde réforme de la politique migratoire européenne qui durcit les contrôles des arrivées aux frontières du bloc et met en place un système de solidarité entre États membres. Au cours d’une session plénière à Bruxelles brièvement interrompue par les protestations de militants des droits humains, les dix textes de ce «Pacte sur la migration et l’asile» ont tous été approuvés.
«C’est un énorme pas pour l’Europe», a réagi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, saluant une «journée véritablement historique». Le même adjectif était utilisé par plusieurs dirigeants et responsables, à Berlin comme Athènes. Le chancelier allemand Olaf Scholz s’est réjoui d’un «pas historique indispensable» qui «limite l’immigration irrégulière et soulage enfin les pays qui sont particulièrement touchés».
Les trois principales familles politiques européennes – PPE (droite), Socialistes et démocrates (S&D) et Renew Europe – ont dans l’ensemble soutenu ce pacte, qui a suscité l’opposition d’une grande partie de l’extrême droite, mais aussi des Verts, de la gauche radicale et de certains socialistes.
«Filtrage» obligatoire des migrants
La réforme, qui avait fait l’objet d’un accord politique en décembre, devra désormais être formellement validée par le Conseil (Etats membres), probablement à la fin du mois. L’objectif des négociateurs était d’aboutir absolument avant les élections européennes de juin, de peur de voir le projet enterré par la prochaine législature. A côté de cette réforme, qui ne s’appliquera que courant 2026, l’UE multiplie les accords, controversés, avec les pays d’origine et de transit des exilés (Tunisie, Mauritanie, Egypte) pour tenter de réduire le nombre d’arrivées à ses frontières.
La réforme met en place un «filtrage» obligatoire des migrants arrivant aux frontières de l’UE, consistant à les enregistrer dans la base de données commune Eurodac. Une «procédure à la frontière» est prévue pour ceux qui sont statistiquement les moins susceptibles d’obtenir l’asile: ils seront retenus dans des centres le temps que leur dossier soit examiné de façon accélérée, dans le but de renvoyer les déboutés plus rapidement.
Quelque 161 organisations de défense des droits humains avaient appelé les eurodéputés à rejeter le Pacte, s’inquiétant des «détentions de familles avec enfants» et une «criminalisation» des exilés. Chez les Verts, l’élu français Mounir Satouri a fustigé «un effondrement des valeurs». «C’est le pacte de la honte, parce qu’il abolit le droit individuel à l’asile», a dénoncé l’élue allemande Cornelia Ernst (GUE, gauche radicale).
Mécanisme de solidarité
La règle en vigueur selon laquelle le premier pays d’entrée dans l’UE d’un migrant est responsable de sa demande d’asile est maintenue avec quelques aménagements. Mais pour aider les pays où arrivent de nombreux exilés, comme l’Italie, la Grèce ou l’Espagne, un système de solidarité obligatoire est organisé. Les autres États membres doivent contribuer en prenant en charge des demandeurs d’asile (relocalisations) ou en apportant une contribution – financière ou matérielle – au profit du pays sous pression migratoire. Cette alternative était destinée à surmonter l’opposition de la Hongrie et la Pologne à tout quota de réfugiés, mais ces deux pays restent hostiles à la réforme.