PartenariatQuand l’art et l’immigration font bon ménage
La Ferme des Tilleuls à Renens (VD), soutenue par la Loterie Romande, propose un mélange des genres qui va de la sculpture monumentale d’Art Brut à des œuvres d’artistes africains, confrontés à la tragédie migratoire.
- par
- Victor Fingal
Elle ne passe pas inaperçue! Avec ses 13 mètres de haut, en bordure de la route qui mène de Lausanne à Renens, -ORGANuGAMME- la sculpture colossale étalée sur 500 m² de Danielle Jacqui, 90 ans, interroge. Du pur Art Brut, réalisée par une ancienne brocanteuse, passionnée de céramique, avec l’aide d’un vrai architecte, Jean-Gilles Décosterd. «Ils ont créé une structure modulaire sur une armature métallique, souligne Chantal Bellon, directrice de la Ferme des Tilleuls, à la manière d’un organisme en pleine croissance. Mais l’œuvre est achevée! Aujourd’hui, en dépit de son grand âge, Danielle Jacqui, poursuit son activité créatrice. Elle n’arrête pas!»
Mais -ORGANuGAMME- ne saurait limiter les activités de la Ferme des Tilleuls. Un espace multidisciplinaire, bien ancré dans son territoire de l’Ouest lausannois. Jusqu’en juin, l’exposition Checkpoint 2, donne, entre autres, la parole au Street Art à Dakar, où l’on découvre les œuvres de Pape Diop, un ancien immigré qui est rentré au pays et peint aujourd’hui sur les murs du quartier de la Médina.
L’immigration racontée entre rêve et réalité
Les rêves et les réalités migratoires sont omniprésentes dans les étages de l’ancienne ferme. Il y a Léonine, une Ivoirienne réfugiée au Sénégal, condamnée à payer ses dettes, et qui rêve d’un eldorado en Europe. Ou Eliseu, un jeune Angolais, arrivé seul à Vallorbe en 2013 à l’âge de 15 ans. Aujourd’hui, toujours en Suisse, le jeune homme est certes un acteur reconnu par ses pairs, mais sa situation n’a pas encore été légalisée. Quant à Fatou, elle a quitté le Sénégal pleine d’espoir pour l’Arabie Saoudite. À son arrivée, son passeport lui a été confisqué, et elle a dû travailler comme une esclave.
La Ferme des Tilleuls, ce sont aussi des ateliers, des rencontres, des projections et même un projet de visite sur les traces laissées par l’immigration italienne à Renens. Reste un café-restaurant qui ne désemplit pas, un lieu d’intégration et de formation professionnelle, tenu par l’ORIF Renens (réinsertion). Encadrés par Fabrice Relet, le gérant du restaurant, trois apprentis travaillent en salle et un stagiaire en cuisine.
«C’est bien grâce à la Loterie Romande que la Ferme des Tilleuls propose autant de contenus artistiques, dit encore Chantal Bellon. Son soutien nous permet de planifier et produire des expositions et de proposer toutes sortes d’événements culturels à prix libre. Sans elle, bon nombre de projets n’auraient pas vu le jour et nous lui en sommes très reconnaissant.»