Études supérieuresLa liberté académique est en déclin dans le monde
Selon un groupe d’experts, seule une personne sur trois vit dans un pays où il est facile d'aller à l'université. Le déclin est surtout marqué en Russie, en Chine et en Inde.
Seule une personne sur trois vit dans un pays garantissant l’indépendance de la recherche et des universités, selon un indice annuel qui s’alarme d’un déclin de la liberté académique dans le monde, particulièrement marqué en Russie, en Chine et en Inde.
Atteintes à la liberté d’expression, répression et ingérence à l’université, restriction des échanges entre chercheurs voire emprisonnement...: la liberté académique est «globalement menacée à travers le monde», relève cet index élaboré par plus de 2300 experts à partir de données récoltées dans 179 pays.
Publiés en mars dans le cadre du rapport sur la démocratie de l’Institut suédois V-Dem, ces travaux mesurent les évolutions dans l’enseignement supérieur et la recherche depuis cinquante ans, sur la base de cinq critères (liberté d’enseignement et de recherche, des échanges universitaires et de l’expression académique; autonomie des universités; intégrité des campus).
«171 pays ont signé le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (entré en vigueur en 1976, NDLR) qui les engage à respecter la liberté indispensable à la recherche scientifique. Il est important de savoir s’ils respectent leurs engagements», dit à l’AFP Katrin Kinzelbach, professeure de sciences politiques à l’Université Friedrich-Alexander en Allemagne, à l’origine de cet index.
La chercheuse a commencé à s’intéresser au sujet en 2017, quand le gouvernement de Viktor Orban en Hongrie a forcé l’Université d’Europe centrale (CEU) de Budapest, fondée par le milliardaire George Soros, à déménager ses activités à Vienne.
La dernière version de l’index révèle qu’en 2023, seulement une personne sur trois vivait dans une zone de liberté académique, contre une sur deux en 2006. Seuls 25 pays possèdent un score de liberté élevé, contre 46 en 2006, selon ces travaux qui soulignent une baisse globale de l’indice entamée en 2012.
Décrochage aux États-Unis
«Actuellement 3,6 milliards de personnes, soit 45,5% de la population mondiale, vivent dans 27 pays où la liberté académique est totalement restreinte», écrivent les auteurs du rapport. Qui notent une sérieuse détérioration dans des pays très peuplés, dont la Chine, la Russie et l’Inde.
«Depuis que Narendra Modi a pris le pouvoir en Inde, la liberté académique a dramatiquement chuté», s’inquiète la Pr Kinzelbach. La chercheuse cite le cas de la professeure indienne Nitasha Kaul, basée à l’Université britannique de Westminster, récemment arrêtée en Inde où elle était venue donner une conférence, et renvoyée au Royaume-Uni.
Les gouvernements russe de Vladimir Poutine et chinois de Xi Jinping «sont de plus en plus répressifs envers la liberté académique, qui n’était déjà pas brillante», ajoute-t-elle.
De manière plus surprenante, l’index révèle un décrochage depuis 2019 du score des États-Unis. «Ce résultat nous a choqué, car ce pays a longtemps été une puissance universitaire, même s’il y a d’importantes disparités entre les Etats», dit la Pr Kinzelbach.
Une explication ? «Le système politique américain, mais aussi la société, sont fortement polarisés. Les campus universitaires sont devenus des arènes où cette polarisation se déploie», avance-t-elle, insistant sur la nécessité «d’y enseigner et de pratiquer des débats calmes et fondés sur des preuves, y compris sur des questions très conflictuelles».
La plupart des pays européens, dont la France, font figure de bons élèves avec des scores élevés, à l’exception de la Pologne et de la Hongrie.