Sasha Velour: «Le drag redéfinit les limites du genre et de la beauté»

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InterviewSasha Velour: «Le drag redéfinit les limites du genre et de la beauté»

La drag-queen américaine sera le 5 avril à Genève, au Théâtre du Léman, avec son spectacle «The Big Reveal Live Show». Coup de fil à la reine de l'effet de surprise.

Fabio Dell'Anna
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Fabio Dell'Anna
Sasha Velour collaborera en Suisse avec la drag-queen genevoise Moon et la Bâloise Tessa Testicle.

Sasha Velour collaborera en Suisse avec la drag-queen genevoise Moon et la Bâloise Tessa Testicle.

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Sasha Velour est la reine du reveal. En d'autres mots, elle excelle dans l'effet de surprise. Une compétence qui lui a permis de remporter l'émission «RuPaul's Drag Race» (une compétition diffusée pour élire la meilleure drag-queen des États-Unis), en 2017. Lors de la finale, sa performance sur la chanson «So Emotional» de Whitney Houston a marqué les esprits. Elle avait notamment caché des pétales de roses dans sa perruque. Une séquence qui a créé le buzz.

Depuis, la drag-queen a conquis le monde avec une première tournée à guichets fermés, un livre et sa créativité débordante. Elle sera au Theater 11 à Zurich jeudi 4 avril et au Théâtre du Léman à Genève le lendemain avec son nouveau projet «The Big Reveal Live Show». À cette occasion, nous lui avons passé un coup de fil. «Je vais avoir mon vendredi après-midi de libre en Suisse, si vous avez des suggestions pour une randonnée, je les prends avec plaisir», nous dit-elle dès le début de l'entretien. «Ce sera d'ailleurs ma première fois en Romandie.»

Que pouvez-vous nous dire sur votre spectacle «The Big Reveal Live Show»?

Je suis célèbre pour surprendre le public avec des changements de costumes ou de perruques, mais, cette fois-ci, je vais proposer différents reveals. Préparez-vous aux surprises les plus spectaculaires et les plus ridicules que j'ai pu imaginer. Ce spectacle est à la fois humoristique, politique, dramatique et autobiographique. Nous avons besoin d'inspiration et de beauté dans ce monde qui n'est pas facile. Je veux proposer de l'évasion qui amène à réfléchir sur ce qui nous entoure.

Trouvez-vous que le monde du drag a évolué ces dernières années?

Oui. Par exemple, collaborer dans différentes villes avec des jeunes pour mon show m'a permis de découvrir la diversité de la culture du drag à travers le monde. Au fil du temps, l'acceptation de la diversité des genres et de l'expression artistique a progressé. Quand j'ai commencé, le drag se limitait souvent à des hommes gays habillés en femmes, ce qui ne correspondait pas à ma vision (ndlr.: Sasha Velour se définit comme non-binaire.) Pour moi, le drag redéfinit les limites du genre et de la beauté. En travaillant ensemble, nous avons changé ces perceptions et ce milieu est maintenant un espace pour échapper aux binarismes. Par exemple, de nombreuses personnes transgenres pratiquent le drag, affirmant désormais leur identité. Le public apprécie cette évolution vers des idées plus ouvertes et expérimentales, contrairement à il y a vingt ans.

Vous accueillerez sur scène la drag-queen bâloise Tessa Testicle puis la Genevoise Moon. Pourquoi ces choix?

Il faut savoir que le spectacle se passe comme si vous étiez chez moi. J'invite le public dans ma maison, et un invité spécial vient mettre le chaos sur scène. Je demande alors à une drag-queen du coin à venir me rejoindre. Pour moi, le drag ne se résume pas à une seule voix, mais à un mélange d'expériences partagées. J'ai rencontré Tessa Testicle sur «Drag Race Germany» l'an dernier, où j'ai été juge lors d'un épisode. Elle avait assisté à mon spectacle précédent à Zurich et, même si c'était interdit, elle avait pris un pétale de rose de la scène pour en faire son porte-bonheur. Elle me l'a rendu sur le plateau de «Drag Race», car elle a été éliminée tôt durant sa saison. (Rires.) J'admire son esprit créatif. Même si je n'ai pas encore rencontré Moon en personne, j'ai apprécié la voir dans «Drag Race France». On m'a dit qu'elle était très appréciée à Genève, une ville que je n'ai jamais visitée. Ce sera agréable de discuter avec quelqu'un qui connaît bien la scène et la culture locale.

Vous aimez incarner Marlene Dietrich et avez participé en tant que juge à «Drag Race Germany». Avez-vous un lien spécial avec la culture allemande?

À 17 ans, je suis allée en Allemagne où j'ai vécu ma première histoire d'amour, apprenant ainsi la langue. C'était un moment important de ma vie. De plus, ma mère était traductrice d'allemand et passionnée de musique, d'art et de littérature. Perpétuer son amour pour cette culture est essentiel pour moi (ndlr.: elle est décédée d'un cancer en 2015). Elle était juive et personne autour d'elle ne partageait les mêmes intérêts. De plus, l'Allemagne, en général, a une grande histoire d'ouverture queer, célébrant notamment des figures comme le médecin Magnus Hirschfeld. Il est l'un des pères fondateurs des mouvements de libération homosexuelle et trans.

«Les lectures de contes par des drag-queens est une idée formidable pour les enfants»

Sasha Velour, artiste

Un parti politique a remis en cause les lectures de contes pour enfants par des drag-queens. L'UDC parle d'«un endoctrinement woke». Quel est votre avis sur le sujet?

Les lectures de contes par des drag-queens est une idée formidable pour les enfants. Cela montre aux plus jeunes que les adultes peuvent s'amuser et s'exprimer librement. Les artistes choisissent soigneusement leurs costumes et leurs histoires pour ce genre d'événements. C'est exactement pareil lorsque vous regardez un film ou un spectacle familial. Tout est adapté. Même si je n'ai jamais participé à ce type d'activité, je pense que c'est important pour les enfants d'en apprendre plus sur la diversité. Cela va à l'encontre des idées dépassées sur la dangerosité du drag. Les politiciens devraient rejeter ces croyances toxiques et transformer les lois en conséquence.

Quel message voulez-vous faire passer à travers votre art?

Je souhaite que les gens comprennent que les personnes homosexuelles sont tout à fait normales, fabuleuses et créatives, et qu'elles contribuent à la richesse de la culture. Le drag n'est peut-être pas pour tout le monde, mais il est ouvert à tous les âges, toutes les langues et toutes les identités. Je crois que chacun peut en tirer inspiration, et j'espère que les gens seront curieux de le découvrir et ouvriront leur esprit. Ils y trouveront du plaisir.

Seriez-vous intéressée à participer en tant que candidate à une version «All Stars Drag Race» avec tous les gagnants?

Je ne sais pas s'ils me permettront de revenir, mais je le ferais volontiers. J'adore le drag et je veux continuer à le pratiquer. Je voudrais y participer pour montrer ce dont je suis capable aujourd'hui.

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