«Il se traite de con toutes les cinq minutes, mais ce n’est pas le cas»

Publié

Attentat de Strasbourg«Il se traite de con toutes les cinq minutes, mais ce n’est pas le cas»

Les avocats des victimes ont fustigé la défense du principal accusé, lié à l'attaque au marché de Noël de 2018.

Audrey Mondjehi (à droite), dessiné durant le procès.

Audrey Mondjehi (à droite), dessiné durant le procès.

AFP

Audrey Mondjehi, le principal accusé du procès de l’attentat de Strasbourg, se fait passer à tort pour un «imbécile» en prétendant qu’il ne savait rien de la radicalisation et du projet violent du jihadiste Chérif Chekatt, se sont indignés jeudi les avocats de plusieurs victimes.

L’assaillant avait été abattu par les forces de l’ordre après deux jours de traque. Audrey Mondjehi, lui, encourt la réclusion à perpétuité pour l’avoir activement aidé à se procurer une arme.

Il a expliqué en substance pendant les débats qu’il ignorait la radicalisation de son «copain», et qu’il avait agi pour lui «rendre service», car il pensait que Chekatt voulait commettre un braquage.

«Quel meilleur manipulateur que celui qui se fait passer pour un imbécile?», a lancé devant la cour d’assises spéciale de Paris Me Catherine Szwarc, qui avec son confrère Me Claude Lienhard défend plusieurs dizaines de parties civiles.

Les proches des 5 morts et des 11 blessés, mais aussi les victimes indirectes traumatisées par l’attentat du 11 décembre 2018 au marché de Noël, «ont eu beaucoup de souffrance, et n’ont pas envie aujourd’hui encore d’être maltraitées avec des explications qui n’en sont pas», a-t-elle poursuivi.

Pour Me Claire Josserand-Schmidt, qui défend un ami de l’une des cinq personnes assassinées, les victimes «sont capables de considérer les choses avec nuances» mais ressortent du procès avec l’«impression malaisante que dans le box on cherche à se faire passer pour un peu plus idiot que l’on est».

«Couillon de service»

Face aux déclarations souvent incohérentes d’Audrey Mondjehi, voire invraisemblables, ses avocats ont tenté de lui venir en aide en le présentant comme l'«idiot utile» de Chérif Chekatt.

Dans ce dossier, il est le «couillon de service», «complètement paumé», il n’est pas doté d’une «grande vivacité d’esprit», «on est frappé par la vacuité de ses conversations», a ainsi égrené au fil des jours l’un de ses défenseurs, Me Michaël Wacquez.

Mais pour Me Monique Blanchard, qui défend l’un des blessés de l’attentat, «Mondjehi est intelligent, c’est son psychiatre qui le dit».

«Il se traite de con toutes les cinq minutes: «j’ai été bête, j’ai été naïf...» On le fait passer pour un abruti, mais ce n’est pas le cas», a-t-elle martelé.

Mondjehi «est bien le seul de l’agglomération strasbourgeoise à ne pas avoir compris que Chérif Chekatt était radicalisé, on a du mal à le croire», a raillé son confrère Me Marc Ceccaldi, avocat d’une famille de touristes italiens traumatisés par ce qu’ils ont vu ce soir-là dans les rues de Strasbourg.

Ses clients ont «croisé le regard du terroriste après avoir assisté à une mise à mort». Pour eux la «barbarie de Chérif Chakatt est une empreinte indélébile, dont ils ne voient pas la sortie», a-t-il développé.

Trois autres accusés

Plusieurs de ses confrères ont également évoqué longuement la douleur des victimes, certaines confrontées à la «culpabilité d’avoir survécu», peinant à se reconstruire, même cinq ans après, ou pour qui le récent attentat de Moscou «ravive le désarroi et les blessures».

Les victimes «demandent que leur douleur soit entendue et que leur quête de justice soit satisfaite», a résumé Me Szwarc.

Aux côtés d’Audrey Mondjehi, 42 ans, sont jugés trois autres hommes de 34 à 39 ans à qui le parquet reproche d’avoir joué un rôle plus mineur pour aider le tueur à se procurer une arme. La qualification terroriste n’a pas été retenue à leur encontre. Ils risquent 10 ans de prison.

Ces trois hommes «se retrouvent embringués dans un procès terroriste peut-être un peu trop grand pour eux», a concédé Me Ceccaldi, pour les parties civiles. Pour autant, malgré l’absence du tueur, ce procès n’est pas celui des «lampistes», chacun des accusés ayant, à son niveau, joué un «rôle décisif» dans l’engrenage menant à l’attentat, a-t-il estimé.

Les représentants du parquet national antiterroriste doivent prononcer leurs réquisitions mardi. Le verdict est attendu jeudi 4 avril.

(afp)

Ton opinion