Bande dessinéeParler de la virginité, ce n'est pas dire hymen à tout
Avec «Vierges», bien des mystères sur le sexe féminin sont révélés et des mythes brisés avec humour et finesse.
- par
- Michel Pralong
La virginité. Cela semble être l'un des moteurs de l'humanité, obsédant particulièrement sa partie masculine. Il n'y a de territoires vierges que le mâle ne rêve de déflorer, pareil pour les femmes, où être le premier a été et reste une obsession pour beaucoup.
Ne promet-on pas aux guerriers courageux morts pour leur dieu d'être entouré de vierges au paradis? La pureté est donc ici privilégiée à l'expérience. Car oui, la virginité est associée à l'absence de pénétration sexuelle et comme la nature est bien faite, il existe même un moyen de vérifier cet état: l'hymen, cette membrane qui ferme le vagin et disparaît lors du premier rapport.
Eh bien, c'est en partie faux, comme nous l'apprend «Vierges, la folle histoire de la virgnité», écrit par Élise Thiébaut et dessiné par Elléa Bird. Comme le roseau, l'hymen peut plier sans se rompre et sa rupture lors de la première pénétration est largement surestimée. Au temps pour ceux qui scrutaient les taches de sang dans les draps de la nuit de noce.
Les différentes formes de l'hymen
«J'ai aussi appris plein de choses en dessinant ce livre, nous raconte Elléa Bird, rencontrée au Salon du Livre de Genève. J'ignorais qu'il existait par exemple tant de formes différentes de la perforation primaire de l'hymen, qui laisse passer le sang des règles: à pendentif, bridé, criblé, en croissant de lune...». Hymen dont la réelle fonction est toujours inconnue, mais qui pourrait davantage jouer un rôle de protection pour le premier bébé, car à la naissance, là oui, il se rompt vraiment.
C'est l'éditrice du livre qui a fait se rencontrer les deux autrices pour leur proposer de travailler sur la virginité. «Je connaissais les écrits d'Élise (notamment sur les mutilations ou l'histoire des règles, ndlr) et cela a très bien fonctionné entre nous. J'ai pu illustrer ses textes comme je l'entendais, mais l'humour, omniprésent dans le livre, vient autant de ses écrits que de mes dessins».
«J'aurais aimé lire ce livre ado»
Car il ne faut pas se le cacher (quoi qu'éviter de montrer l'album aux plus petits est conseillé), ce livre compte son lot de vagins avec l'apparition de quelques pénis, mais tout en restant soft et dans l'humour. «En dédicaces, on me demande souvent le dessin d'un clitoris content, que j'ai représenté dans l'album, sourit Elléa. Ou sinon la déesse Artémis, c'est plus prude. Il y a plus de femmes que d'hommes qui viennent, ces derniers, quand ils sont là, précisant la plupart du temps: c'est pour offrir. Beaucoup d'adultes me disent qu'ils vont le faire lire à leurs ados et j'avoue que j'aurais beaucoup aimé avec ce livre à leur âge.»
Car «Vierges» renverse énormément d'idées reçues (ou imposées, par l'homme). Depuis le commencement des temps, la domination de la femme passe par le contrôle de sa sexualité, quand ce n'est pas de son sexe. Et comme l'histoire est souvent faite par les hommes, on ne compte du coup que peu d'ouvrages consacrés à des questions pour l'instant aussi cruciale que la virginité et sa perte.
Une BD qui rend moins bête
Élise, la soixantaine et Elléa, la trentaine, n'ont pas connu la même découverte de la notion de virginité, époques obligent. «J'ai dessiné comment l'avait vécu Élise, ce qui a été différent pour moi, mais nous avons en commun qu'on ignorait beaucoup de choses sur le sujet.»
Et ce n'est pas un mauvais jeu de mots que de dire que ce thème est encore à peine défloré à notre époque et qu'une telle BD vous rendra nettement moins bête, on l'espère plus attentif à la condition féminine, tout en vous faisant sourire. «Un de vos collègues journalistes m'a demandé combien de vagins j'avais dessiné pour cet album, je n'ai pas compté, mais beaucoup», rit Elléa. Il devrait y en avoir moins dans sa prochaine BD. «Quoi que, je pense à nouveau faire un docu BD et la ménopause me tente.»
«Vierges: la folle histoire de la virginité», d'Élise Thiébaut et Elléa Bird, Éd Le Lombard, 94 pages.