Attentat de MoscouLe Kremlin refuse de commenter la revendication de l’Etat Islamique
A ce stade, Vladimir Poutine tente d'incriminer l'Ukraine dans l'attentat qui a fait 137 morts, vendredi dernier.
Le Kremlin a refusé lundi de commenter la revendication du groupe jihadiste État islamique (EI) de l’attentat près de Moscou, qui a fait 137 morts, tant que l’enquête est en cours, alors que les recherches dans les décombres continuent.
Ce week-end, Vladimir Poutine et ses puissants services de sécurité, le FSB, n’avaient pas non plus mentionné l’implication jihadiste, évoquant de concert une piste ukrainienne vigoureusement démentie par Kiev et les Occidentaux.
Le président russe, qui ne s’est exprimé que dans une brève allocution samedi, doit tenir une réunion dans la journée avec des responsables sécuritaires et politiques.
Il n’a en revanche pas prévu de se rendre au Crocus City Hall, théâtre de la pire attaque connue par la Russie depuis une vingtaine d’années et la plus meurtrière revendiquée par l’EI sur le sol européen.
Trois jours après le drame, de nombreuses questions restent en suspens, notamment sur l’identité et les motivations des quatre suspects.
Dmitri Peskov, le porte-parole de Vladimir Poutine, n’a pas apporté de réponses lundi.
«L’enquête est en cours et l’administration présidentielle aurait tort de faire des commentaires sur le déroulement de l’enquête», a-t-il simplement dit à la presse.
Le groupe Etat islamique (EI), que la Russie combat en Syrie et qui est actif dans le Caucase russe, a revendiqué l’attentat, mais les autorités russes ont affirmé que les tueurs présumés tentaient de rejoindre le territoire ukrainien après l’attaque.
Kiev, qui combat un assaut des troupes russes depuis février 2022, a nié tout «lien avec l’incident». Les Etats-Unis ont également rejeté la version du président russe.
Lundi, la télévision d’Etat russe ne faisait pas mention de l’EI ni de l’Ukraine, mais précisait que les cours d’éducation patriotique dans les écoles du pays portaient aujourd’hui sur le terrorisme.
Sur place, les enquêteurs continuaient de fouiller les décombres de la salle de concert, ravagée par un gigantesque incendie déclenché par les assaillants.
Le nombre de blessés s’élève à 182, dont 97 étaient encore hospitalisés lundi, d’après les autorités.
Détourner l’attention
Dmitri Peskov n’a pas non plus voulu commenter les allégations de torture des suspects, apparues après la publication de vidéos sur les réseaux sociaux et de photos les montrant le visage ensanglanté.
Sur les images de leurs arrestations, diffusées à la télévision publique russe, trois des quatre assaillants présumés avaient du sang sur le visage.
Une autre vidéo, diffusée sur internet et dont l’authenticité n’a pas été confirmée, semble montrer l’un des suspects en train se faire sectionner l’oreille par une personne se trouvant hors champ.
Lors de l’audience des suspects dans un tribunal de Moscou dimanche soir, l’un d’eux avait un bandage blanc à l’oreille tandis qu’un autre est arrivé dans une chaise roulante, les yeux fermés.
Une des figures de l’opposition russe en exil, Leonid Volkov, a dénoncé lundi une tentative des services de sécurité russes «de détourner l’attention de (leur) impuissance et de (leur) échec» en montrant ces vidéos, alors que la répression se renforce ces derniers mois.
Au total, les autorités russes avaient dit avoir arrêté 11 personnes, dont ces quatre assaillants présumés, mais leur profil reste très flou.
Camouflet pour Poutine
Les quatre individus ont été placés en détention provisoire dans la nuit de dimanche à lundi jusqu’au 22 mai, en attente de leur procès, dont la date n’a pas encore été fixée.
S’ils encourent la prison à perpétuité, des cadres du régime de Vladimir Poutine ont multiplié ces dernières heures des appels en faveur de la levée du moratoire sur la peine de mort pour «les terroristes».
Malgré ses promesses de sévère punition, le camouflet reste énorme pour Vladimir Poutine. L’attentat est survenu quelques jours à peine après sa réélection sans opposition pour six ans, alors qu’il avait promis la sécurité à ses concitoyens en pleine recrudescence des attaques venues d’Ukraine sur le sol russe.
L’attaque du Crocus City Hall rappelle aussi d’autres actes terroristes lors des premières années de Vladimir Poutine au pouvoir, sur les braises de la guerre en Tchétchénie: la prise d’otage de la Doubrovka à Moscou en 2002 et la tragédie de l’école de Beslan deux ans plus tard.
La lutte contre le terrorisme «nécessite une coopération internationale totale», a estimé lundi Dmitri Peskov, mais celle-ci «n’existe pas du tout».
Le président français Emmanuel Macron a quant à lui assuré avoir proposé à Moscou «une coopération accrue» sur le sujet, précisant que la branche de l’EI «impliquée» dans l’attaque de vendredi avait mené ces derniers mois «plusieurs tentatives» sur le sol français.