CinémaUne guerre civile qui fait froid dans le dos
Âpre et éprouvant, «Civil War» le nouveau film du Britannique Alex Garland, impressionne. À voir en salle mercredi 17 avril.
- par
- Jean-Charles Canet
Nous sommes dans un futur proche. Les États-Unis sont dévastés par une guerre civile. Ellie, une reporter photographe chevronnée (Kirsten Dunst) décide, avec son confrère Joel (Wagner Moura), de se lancer dans un périple pour rejoindre Washington. Ils veulent être les premiers à obtenir l'interview du président acculé dans sa forteresse blanche. Sammy (Stephen McKinley Henderson), un vieux journaliste, et Jessie (Cailee Spaeny), une photographe novice, s'incrustent dans l'équipe. Leur périple en zones de guerre sera âpre, éprouvant et parfois même surréaliste.
«Civil War» est écrit et réalisé par le Britannique Alex Garland, dont le premier long métrage en tant que réalisateur, «Ex Machina», a été loin de nous laisser indifférent. Il livre ici son œuvre la plus ambitieuse et la plus accomplie. Ce sera peut-être aussi sa dernière, le cinéaste de 53 ans ayant récemment confirmé ne plus avoir l'envie avant longtemps de se retrouver derrière une caméra. Il s'agit aussi de la production la plus généreusement dotée — près de 50 millions de dollars de budget — de tous les longs métrages financés par la société indépendante A24. Ce que l'on voit sur l'écran paraît deux fois plus cher.
Pour traiter de ce qui, depuis l'arrivée en 2016 d'un certain Trump au pouvoir, ne paraît plus totalement impensable, Alex Garland a choisi le camp du réalisme, du plausible. Sans être dépourvu de séquences d'action très spectaculaires, son film se place à mille lieues des divertissements manichéens avec des héros invincibles, des superméchants et des clichés à la pelle. Il plonge le spectateur au cœur d'un conflit réaliste terriblement éprouvant. On ne sait pas vraiment comment les choses se sont envenimées, ni quelles ont été les tensions qui ont déclenché la folie. On les devine. Rien n'est asséné. Les pièges idéologiques sont évités.
Road movie
On sait juste que le président en exercice qualifie les États rebelles de «sécessionnistes» et qu'il a tendance à faire souvent allusion à Dieu et aux «pères fondateurs». Au spectateur de faire son cinéma et de tisser de liens vers des situations existantes ou ayant pu exister.
Garland s'attache plutôt à une étude de caractères. Son road movie est vu par les yeux de professionnels qui, par fonction, rendent compte, mais ne commentent pas. La tension culmine lors d'une scène glaçante ou le groupe se trouve sous la menace d'un «soldat» lourdement armé (Jesse Plemons), parfaitement conscient de son pouvoir absolu.
S'il ne tombe jamais dans l'ornière du démonstratif, Alex Garland a néanmoins l'élégance de ne pas laisser le spectateur en plan. Il commence, il développe et, surtout, conclut son histoire. Il aurait été trop facile d'abandonner son monde avec une séquence irrésolue. Le final est au contraire redoutable d'efficacité.
Virtuose, glaçant, parfois irritant, dans le bon sens du terme, «Civil War» est le film qui nous a le plus marqué depuis ce début d'année.