Bande dessinéeUne sirène assassinée dans la ville des contes de fée
Avec «Copenhague», Pandolfo et Risbjerg nous offrent une comédie survoltée et poétique, une ode à l'imaginaire.
- par
- Michel Pralong
Avec le coupe Pandolfo Risbjerg, on ne sait jamais à quoi s'attendre, à part être agréablement surpris. Après «Soubrouillard» en 2021, le duo revient avec un tonitruant «Copenhague», ville dont vient le dessinateur Terkel Risbjerg. Avec son trait si vivant et expressif, tout en ne dessinant que l'essentiel, il va une fois de plus illustrer à merveille le récit imaginé par sa compagne, qui s'est bien lâchée.
L'histoire est celle de Nana Miller, une maman française qui n'est pas loin de la mère indigne, car, après avoir vu une publicité vantant Copenhague comme ville de conte de fées, elle plaque tout pour y aller, sans avertir sa fille adolescente, qui doit se débrouiller seule.
Mais le conte tourne à la tragédie, car, à peine arrivée, elle se retrouve bloquée dans la ville danoise, totalement mise en quarantaine suite... à l'assassinat d'une sirène. L'heure est grave dans le pays et Nana va se retrouve à mener l'enquête avec un type loufoque, Thyge Thygesen (qui se prononce genre Tue Tuesen si l'on a bien compris les indications de Risbjerg). L'homme fantasque collectionne cactus et boules à neige et possède un caniche rose. On l'aura compris, il s'agit d'une comédie ébouriffante et délicieuse comme un bonbon. Explications de la recette avec le couple rencontré au Salon du Livre de Genève.
Un récit inspiré par le confinement
«L'histoire est née après le confinement, nous raconte Anne-Caroline Pandolfo, une période qui m'avait fait peur. Ma seule échappatoire alors était l'imaginaire et faire du pain. Et c'est ce que je craignais le plus, perdre l'imaginaire. C'est ce que représente l'assassinat de la sirène: on a tué l'imaginaire.»
Du coup, Copenhague avait toutes les raisons de s'imposer comme ville décor de ce récit.« C'est celle de Terkel, c'est lui qui m'a inspiré et la ville est un contraste entre féérie et ultra modernité. Quant à la petite sirène d'Andersen, j'écoutais le disque de conte raconté par Gérard Philippe quand j'étais enfant.»
Terkel Risbjerg a été plus que ravi de dessiner sa ville. «Mais je ne voulais pas que l'on puisse exactement s'y situer, alors j'ai mélangé les lieux. Il y a une course poursuite où l'on traverse les jardins de Tivoli, avec les manèges et la grande roue, c'était très amusant et exaltant à faire.»
L'abdication de la reine n'était pas prévue
Il y a pourtant une chose que les auteurs n'ont pas pu anticiper. Dans leur récit, sorti en février, la reine Margrethe II vient en personne au balcon rassurer la foule suite à la mort de la sirène. Sauf qu'elle a abdiqué en janvier, après 52 ans de règne, surprenant tout le monde. «Cela ne change rien que cela soit maintenant son fils, répond du tac au tac le dessinateur danois. Je suis surtout attaché à l'institution plus qu'à la personne». «Ah, les Danois et la royauté, soupire Anne-Caroline. Quand j'ai rencontré Terkel, il a commencé à me faire croire qu'il était de la famille royale.»
Il a fallu 3 ans pour créer cet album de près de 300 pages. «Mais cela a été très joyeux de faire cette fable, en reprenant les codes de la comédie américaine et en les détournant, avec courses-poursuites et rebondissement.»
Le héros a la tête de Mort Shuman
L'album est très coloré, mais a sa part de noirceur. «Nana est en noir, car même si elle n'a pas agi en adulte responsable en quittant sa fille, c'est elle qui tente de raisonner face à la folle imagination de Tyge et de ses amis. Lui, je l'ai dessiné en pensant à Mort Shuman dans le clip dans lequel il chante «Papa tango Charlie» dans son avion, explique Terkel. Et il y a la noirceur des méchants, qui veulent tuer l'imaginaire et l'enfance.»
Comme «Sousbrouillard», «Copenhague» vous emporte dans un tourbillon et donne une foille envie de rêver. Avec Pandolfo et Risbjerg, l'imagination n'est pas prête à disparaître.