Le support physique tire ses dernières cartouches

Publié

Jeux vidéoLe support physique tire ses dernières cartouches

Le téléchargement supplante désormais largement la vente matérielle, même sur consoles.

Un collectionneur français dans un magasin à Toyko spécialisé dans la vente de jeux vidéo.

Un collectionneur français dans un magasin à Toyko spécialisé dans la vente de jeux vidéo.

AFP

Poussés par les géants de l’industrie, les téléchargements et services en ligne de jeux vidéo représentent désormais dans le monde une part écrasante du chiffre d’affaires du secteur, au point que les boites de jeux pourraient bientôt déserter les rayons.

«L’accélération s’est encore faite sentir en 2023», indique James Rebours, président du Syndicat français des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell), à l’AFP. Selon son bilan annuel du marché vidéoludique dans le pays publié mercredi, les versions physiques ne pèsent plus que 16% du chiffre des ventes, contre 31% en 2017.

À peine 5% au niveau mondial

Au niveau mondial, elles représentent à peine 5% des revenus du marché, selon les chiffres fournis au site britannique Gamesindustry par le cabinet de conseil Newzoo, basé aux Pays-Bas.

Et même si l’on retire les jeux sur PC et téléphone – dont les ventes se font quasi-exclusivement via les plateformes de téléchargement comme Steam ou les boutiques d’applications de Google et Apple -, le dématérialisé représente toujours 65% de l’argent généré sur les consoles en France.

Les nouveautés étant vendues au même prix, autour de 70-80 francs, quel que soit le format, «les éditeurs réalisent une marge nettement plus importante sur les copies numériques», explique à l’AFP Simon Carless, fondateur de «GameDiscoverCo», une agence américaine de consulting dans le jeu vidéo.

En cause, selon lui, les coûts de fabrication et de distribution des jeux, plus élevés que le pourcentage prélevé par les plateformes de vente en ligne.

Autre raison avancée par Simon Carless : le succès de titres issus de studios modestes, comme Palworld, «qui arrivent à toucher un public mondial grâce à des plateformes comme Steam».

Des titres à gros budget uniquement numériques, «ce sera la norme pour la plupart des jeux Xbox et Playstation d’ici 2028», constatait Mat Piscatella, analyste du secteur chez l’américain Circana, sur X en juin.

Avec l’arrivée en 2020 de versions sans support de lecture physique de la dernière génération de consoles, la Xbox Series S et la PS5 digital, Microsoft et Sony ont envoyé un signal fort sur la place des ventes numériques dans leurs stratégies.

Un virage très amorcé pour Microsoft

En janvier, Microsoft a annoncé le licenciement de 1'900 personnes dans sa division «jeux», afin de consolider l’acquisition d’Activision. Dans un message posté sur X, le journaliste américain Jez Corden affirmait que le géant informatique avait «fermé les départements chargés de commercialiser les jeux Xbox dans les points de vente physiques.»

L’entreprise mise désormais sur les achats en ligne pour dynamiser son activité. Son offre Game Pass, qui permet d’accéder à un large catalogue de jeux sur sa plateforme, comptait 34 millions d’abonnés en février, 36% de plus que le chiffre annoncé il y a deux ans.

Avec toutefois une exception: Nintendo. Dans un rapport financier publié en mars, le constructeur japonais indique que les versions physiques représentent encore près de la moitié de ses ventes de jeux entre avril et décembre 2023.

Nintendo fait bande à part

«Notre chiffre d’affaires se maintenait grâce à Nintendo», confirme à l’AFP Thomas Bachellerie, plus connu sous le pseudonyme Gyo sur les réseaux. Cet ancien gérant de magasin à Lyon se souvient d’une file d’attente «comme à l’époque» devant sa boutique pour la sortie du dernier Zelda en mai. «Ca n’existe plus pour les autres consoles.»

Face à la concurrence du dématérialisé, mais aussi des boutiques en ligne et des grandes surfaces, le Français a mis un terme en janvier à ses douze ans d’activité.

Comme pour le vinyle

«C’est la mort du jeu physique tel qu’on le connaît», regrette-t-il. A l’image du vinyle pour la musique, il estime que le jeu vidéo sur support physique va devenir un marché «de collectionneurs».

Ainsi, le jeu de rôle médiéval-fantastique «Baldur’s Gate 3», élu «jeu de l’année» aux Game Awards en décembre et jusqu’alors uniquement disponible en téléchargement, va connaitre une sortie physique en 2024 pour répondre notamment à la demande des fans.

S’il reconnait le côté «pratique» à ne pas avoir à sortir de chez soi lorsqu’on achète en ligne, Nassim, joueur parisien de 24 ans, entretient aussi une certaine «méfiance» envers les versions numériques: «On a déjà vu des jeux être retirés des serveurs donc je préfère les avoir avec moi».

«J’ai gardé mes vieux jeux pour les faire découvrir à mon fils», ajoute Damien, 50 ans, ancien joueur accompagnant son fils de 10 ans dans un magasin de jeu vidéo parisien. «Avec le dématérialisé, on risque de perdre cet esprit de transmission».

(AFP)

Ton opinion

1 commentaire