Bande dessinéeQuand le western devient une affaire de femmes
La série «Ladies with guns» renouvelle le genre en mettant en vedettes cinq héroïnes aussi redoutables l'une que l'autre.
- par
- Michel Pralong
Voilà un western explosif qui reprend tous les codes du genre, sauf un: les cinq personnages principaux sont des femmes. Chacune victime à sa façon des hommes, elles vont se rencontrer au hasard de leurs malheurs et se serrer les coudes, seule façon de survivre et de se faire entendre dans ce monde de machos. Et pour faire du bruit, c'est réussi, puisqu'elles n'hésitent pas à jouer du colt et de la dynamite, la violence étant le seul moyen d'expression qu'elles trouvent et qu'on leur laisse, même si c'est à regret.
La série «Ladies with guns» compte trois tomes pour l'instant, fin d'un premier cycle qui tient parfaitement en selle, avec un scénario palpitant signé Olivier Bocquet et un magnifique dessin ultra-expressif d'Anlor. La dessinatrice, rencontrée au Salon du Livre de Genève, nous dévoile les coulisses de ces Pétroleuses de papier.
«Olivier Bocquet a imaginé cette histoire et en a parlé à une éditrice de Dargaud, disant qu'il aimerait une dessinatrice. Les deux avaient mon nom en tête, donc ils se sont vite mis d'accord. J'avoue que quand on me l'a proposé, je n'étais pas sûre d'être à la hauteur. J'avais une sacrée pression, mais j'ai décidé de le faire à ma façon. Pour ne pas être influencée, je me suis interdite de lire des BD westerns pendant que je réalisais le premier tome, alors que je venais d'acheter plusieurs.»
Des seconds rôles qui deviennent des premiers
Anlor a tout de suite trouvé ses marques: «Il y a une telle explosivité dans le scénario, c'est génial à illustrer. L'histoire reprend des personnages féminins que l'on retrouve dans de nombreux westerns: la femme de colon, l'institutrice, l'Amérindienne, l'esclave et la prostituée. Sauf que d'habitude, elles n'ont que des rôles secondaires, ici, elles sont les vedettes.»
Ce western féminin, que l'on pourrait qualifier de féministe puisqu'il montre des victimes d'un monde machiste qui s'émancipent, plaît. «Il y a un bel enthousiasme chez les lecteurs. La série semble plaire tant aux habitués du western qu'à ceux qui ne sont pas particulièrement attirés par le genre. Et je remarque plus de femmes que d'habitude en dédicace.»
Quel personnage demandent-elles plus particulièrement? «La petite Abigail, qui est aussi celle que je préfère. Il faut dire qu'elle est le pivot de ce récit. C'est elle qui apparaît dans la première case, petite eslcave noire qui a réussi à s'enfuir avec sa cage, dans laquelle elle reste enfermée. L'image est très forte et c'est en la voyant, elle, que les autres vont former un groupe, s'entraider.»
Anlor découvre le scénario au fur et à mesure. «Olivier m'avertit parfois en me disant: dessine une tarte aux pommes avant la scène de bagarre, car il sait qu'elle sera utilisée pour neutraliser un assaillant, ce que j'ignore sur l'instant. J'aime que ce récit joue avec le lecteur, qui ne se rend par exemple pas forcément compte tout de suite que d'une page à l'autre, nous sommes passés dans un flashback. L'histoire était prévue en un tome, mais nous avons vite vu qu'il en faudrait plus. Et le scénario se développe en cours de route. L'épicier, qui ne devait avoir qu'un rôle secondaire, est devenu un vrai méchant et notre souffre-douleur.»
Quand les auteurs et les lecteurs se plaisent dans une série, aucune raison de s'arrêter en chemin. «Oui, nous partons pour un deuxième cycle, j'ai déjà commencé à dessiner le tome 4. Vous allez y retrouver nos cinq héroïnes qui ont bien de la peine à se séparer, même si cela leur assurerait une plus grande discrétion.» On ne va pas s'en plaindre.