PolémiqueLa cathédrale de Lausanne n'est pas un lieu où chanter «Ejaculate»
Le Conseil d'État déplore les paroles d'une chorale qui n'aurait jamais dû être autorisée dans ce lieu.
- par
- Michel Pralong
Si la cathédrale de Lausanne est connue pour ses qualités acoustiques, le bruit fait par la chorale Hot Bodies lors du Festival de la Cité en juin 2023 était plutôt dissonant. Cet ensemble vocal a pour but de réunir des personnes «désireuses de partager et d’élargir leurs pratiques féministes et queers dans le cadre d’ateliers d’écriture et de chant choral».
Sauf que le titre et les paroles d'une chanson en particulier, intitulée «Ejaculate», en ont fait jaillir plus d'un de leurs gonds. Un édifice religieux est-il l'endroit où entonner bien haut un hymne à des pratiques sexuelles? Non, ont répondu 1100 personnes dans une pétition. Si la directrice du Festival de la Cité, dont c'était la première édition, n'y voyait rien de blasphématoire, mais au contraire un message de tolérance et d’inclusivité, cela n'a pas été le cas de la députée PLR Florence Bettschart-Narbel, qui a interpellé le Conseil d'État vaudois.
Cathédrale polyvalente, mais sous conditions
Ce dernier a répondu jeudi 14 mars. Et selon lui, ce chant n'aurait jamais dû être interprété dans la cathédrale de Lausanne, et il comprend «qu'il ait pu choquer une partie de la population vaudoise». Le gouvernement rappelle que l'édifice religieux, le plus fréquenté de Suisse romande avec 500'000 visiteurs par an, est de nature polyvalente. «Si sa fonction première est religieuse, elle (la cathédrale) a aussi une fonction culturelle, qui se manifeste à la fois dans l’organisation de concerts et de nombreux chœurs et formations musicales, mais aussi en accueillant diverses expositions, lesquelles abordent le plus souvent des enjeux de société à travers un regard spirituel et artistique.»
Un lieu ouvert, oui, mais pas à tout. L'événement doit être «en harmonie avec l'esprit du lieu, être de bonne qualité et elle doit être dépourvu de tout caractère polémique ou politique». Or la polémique, «Ejaculate» l'a clairement créée. Comment se fait-il alors, ces règles étant connues, que la chorale ait pu être autorisée à reprendre ces paroles en chœur? Tout simplement parce qu'elles n'avaient pas encore été écrites lorsque l'autorisation a été accordée, autorisation que l'on peut donc qualifier clairement de précoce, dans ce cas-là.
«Les textes des chansons interprétées n’ont pas été fournis à l’avance à la la Commission d’utilisation de la Cathédrale (CUT ) puisqu'ils n'avaient pas encore été écrits au moment où l'autorisation a été délivrée» a constaté le Conseil d'État. Pourtant, la direction du Festival de la Cité étant nouvelle, elle avait été conviée par le président de la CUT à une réunion préalable, «afin de mettre en exergue la nature unique de la Cathédrale et rappeler les règles et conditions indiquées dans le règlement d’utilisation».
Pas de coupes dans les subventions
Mais donc, la vigilance n'a pas été assez grande et le gouvernement a pris des mesures pour que telle fausse note ne se reproduise plus. Fini les spectacles conçus au dernier moment, il faudra que tous ceux envisagés pour être programmés à la Cathédrale fassent l'objet «d’une présentation individuelle par la direction du festival à la CUT, au plus tard au printemps précédant l’évènement. Tout évènement ne correspondant pas aux conditions réglementaires ne sera pas autorisé.»
L'interpellation déposée auprès du Conseil d'État se demandait si une sanction allait être prise suite à cette affaire, sous la forme d'une baisse de la subvention cantonale au Festival de la Cité. Le gouvernement, qui a rappelé qu'il ne soutient «que de manière subsidiaire» cet événement essentiellement lausannois, ne compte pas réduire cette subvention. «Il estime qu’une telle mesure serait excessive et non pertinente, ce d'autant plus qu'à l'exception du concert considéré, la collaboration avec le Festival s'est bien déroulée.»