«Supersex» sur Netflix: Rocco joue trop mou

L'histoire de tous les superhéros débute par un drame: celle de Batman par l'assassinat de ses parents, celle de Magneto par la perte de sa mère et celle de Rocco Siffredi par la mort de son frère Claudio. Ce jour de mars 1970, le petit Rocco Tano, rongé par la douleur, erre au bord de la route quand un camionneur jette par la fenêtre un magazine. Il le ramasse, c'est un porno intitulé «Supersex». Rocco reçoit ainsi son superpouvoir.

Le garçon d'Ortona, petite ville pauvre des Abruzzes, aura «la bite la plus grande du monde» et deviendra l'une des stars du X les plus célèbres.

Racontée ainsi, la série (italienne) inspirée de la vie de Rocco Siffredi et disponible depuis le 6 mars sur Netflix pourrait être fun. Elle est en réalité plutôt tragique, insistant terriblement sur son parcours familial et finit par nous ennuyer. Même si les trois acteurs qui incarnent le personnage principal, à savoir Alessandro Borghi (adulte), Saul Nanni (jeune adulte) et Marco Fiore (enfant), ont été bien choisis.

La série, déconseillée aux moins de 16 ans, montre beaucoup, beaucoup de femmes nues et quelques courtes scènes de films X sont recréées. Les hommes ont droit à bien plus de pudeur. Et, bizarrement, il faut attendre la toute fin du 4e épisode pour voir «la bite la plus grande du monde», alors que Rocco a déjà largement tourné.

Formelle, «Supersex» avance chronologiquement, nous emmène dans l'enfance de Rocco, quand sa mère s'occupe de Claudio, dont le crâne a été fracassé par les gitans. Il y a aussi son grand frère Tomasso, un fils illégitime, qui sera rejeté par sa famille, après son mariage avec Lucia, que toute la ville considère comme une pute. Rocco était destiné à être prêtre, il finira par rejoindre, à 19 ans, Tomasso, son héros, à Paris, où ce dernier trafique avec des Corses et fait faire le trottoir à sa femme. Il sera sans cesse une source de problème pour Rocco et c'est à travers lui que «Supersex» se construit comme une histoire tragique. Malheureusement sans nous émouvoir et rendant le tout trop mou.

Dans la capitale française, Rocco découvre enfin le sexe. Et qu'il ne vit que pour ça.

«Mon pouvoir me guidait jusqu’au cœur battant de la vie, dans le tourbillon des expériences et des désirs. Comme un taureau qui ne tient pas en place. Et ne pense qu’à s’accoupler. Qui monte. Qui pénètre. Qui meurt», décrit-il.

Au club 106, haut lieu du libertinage (l'ancienne Miss France Linda Hardy joue la patronne), Rocco est repéré par le monde du porno au milieu des années 80. Après un tournage à Rome, la légende Rocco Siffredi est née, avec un pseudonyme tiré de deux personnages joués par Alain Delon: Rocco Parondi («Rocco et ses frères») et Roch Siffredi («Borsalino»). Toutes les femmes rêvent de coucher avec lui. Il couche, d'ailleurs, avec toutes. Il veut «baiser le monde».

On pense alors que «Supersex» va explorer d'autres thématiques plus profondes. Narrateur en voix off sur tous les épisodes, Rocco raconte alors qu’à l’époque les stars du porno suscitaient une excitation sans bornes et que ce qu’elles vendaient était si puissant que l’Église, les autorités et l’État les voyaient d’un mauvais œil. Le sujet est tout juste effleuré. Pareil pour le sida: on en parle bien trop peu.

Au lieu de ça, c'est à l'amour que «Supersex» dédie un épisode entier (sur sept). Alors que sa carrière continue de monter, l'Étalon italien reçoit ce conseil qui dégouline de poncifs: «Souviens-toi d’une chose, Rocco. Il n’existe pas de vie sans amour… Mais l’amour ne peut exiger que tu renonces à ta vie.» La série sur le cul devient cucul. Et comme si ce n'était pas devenu assez mou, les téléphones entre Rocco et sa maman sont de plus en fréquents à l'écran. En parallèle, on nous montre la descente aux enfers de son grand-frère Tomasso devenu père. Une ex s'est enfin décidée à s'inscrire à l'école de musique. Sans intérêt. Rocco retourne à Paris, part aux États-Unis, retourne en Italie. Rocco a fini par nous noyer dans l'ennui.