Série TVTobias Menzies: «La démocratie doit être défendue aujourd’hui comme hier»
L'acteur anglais est le héros de «Manhunt», une fascinante série d’Apple TV+ sur l’assassinat d’Abraham Lincoln et ses conséquences.
- par
- Miguel Cid, Londres
Il est notamment connu pour avoir incarné le prince Philip dans la série de «The Crown» (saisons 3 et 4), un rôle récompensé d’un Emmy Award. Diplômé de la prestigieuse Académie royale d’art dramatique, Tobias Menzies s’est d’abord fait remarquer à l’international dans la peau de Brutus dans la série «Rome», puis dans celle d’Edmure Tully dans «Game of Thrones» et dans le double rôle de Frank et Jack Randall dans «Outlander».
Le Londonien de 50 ans est maintenant le héros de «Manhunt», une fascinante série sur l’assassinat d’Abraham Lincoln à la fin de la Guerre de Sécession et ses conséquences, disponible dès ce 15 mars sur Apple TV+. Il campe Edwin Stanton, secrétaire à la Guerre et ami du président, qui se lance dans une chasse à l’homme pour retrouver son assassin en fuite et les responsables d’un complot visant à renverser le gouvernement. Et sauver ainsi les acquis fragiles de celui qui gagné la guerre et aboli l’esclavage.
Que saviez-vous d’Edwin Stanton avant d’accepter le rôle et qu’est-ce qui vous a intéressé chez lui?
Je ne savais pas grand-chose de lui ni de cette période. Edwin Stanton est une figure politique impressionnante dans l’histoire de l’Amérique. Un homme très énergique qui a accompli beaucoup de choses mais dont la vie familiale fut assez tragique puisqu’il a perdu des enfants. Ce qui m’a intéressé en découvrant cette histoire, c’est qu’elle a quelque chose d’universel. Beaucoup de gens ont perdu la vie à cause de la Guerre de Sécession et la mortalité infantile était très élevée à l’époque. Il y avait là matière à tisser un récit passionnant.
Qu’espériez-vous que les gens tirent de ce récit?
Qu’il les informe déjà un peu plus sur cette période historique. Je savais que Lincoln avait été assassiné dans un théâtre mais c’est à peu près tout. Evidemment, ce qui s’est passé ne se résume pas à ça. Lincoln a été tué juste à la fin de la Guerre de Sécession, et son assassinat a remis en cause le résultat du conflit puis la reconstruction du pays. Il s’agit donc d’un moment crucial dans l’histoire de la formation des États-Unis, un pays très jeune à l’époque. Et tout ça se prêtait extrêmement bien à être développé sous forme de thriller sur une affaire criminelle.
Vous avez aussi incarné le prince Philip dans «The Crown» et l’explorateur britannique James Fitzjames dans «The Terror». Qu’est-ce qui vous plaît autant dans ces séries historiques?
J’ai joué pas mal de personnages historiques parce que ce sont des rôles intéressants et complexes. Edwin Stanton est un bon exemple parce qu’il n’est pas le plus agréable des hommes mais possède un grand sens moral et une énergie et intégrité immenses en politique. Quand il a rencontré Lincoln pour la première fois, le président n’était pas emballé parce qu’il considérait Stanton comme un péquenaud. Mais ils ont fini par devenir des amis très proches et alliés politiques qui ont joué un rôle déterminant dans la victoire de l’Union lors de la guerre de Sécession. Mais ensuite survient la tragédie de l’assassinat et Stanton doit à la fois maintenir la cohésion du pays, faire le deuil de son ami et sauver le projet politique qu’ils tentaient de réaliser. C’est tout ça que cette série essaie de raconter.
Peut-on tirer des parallèles entre la situation politique évoquée dans la série et l’Amérique d’aujourd’hui?
Oui, je crois que c’est une des raisons principales pour lesquelles Apple TV+ était intéressé par l’idée de produire cette série. Avec cette histoire, la showrunneuse Monica Beletsky voulait montrer qu’il est parfois utile de se pencher sur l’histoire et d’en tirer des leçons pour le présent. Je ne suis pas un historien et, parfois, on peut exagérer ce genre de rapprochement. Mais ce qui est vrai et clair dans l’histoire qu’on raconte, c’est que ce pays naissant était profondément fragile et que cette démocratie a été mise en grand danger par l’assassinat de Lincoln. Les choses auraient pu tourner très différemment. Et je pense que ce qui est peut-être aussi vrai maintenant, c’est que se profile une élection présidentielle très importante en novembre aux USA et que la démocratie doit être défendue aujourd’hui comme hier. Stanton avait compris ça et cela semble très pertinent et moderne à notre époque.
Comment décririez-vous les rapports entre Edwin Stanton et son fils, Eddie Stanton Jr.?
L’histoire que nous avons construite dans la série dépeint Stanton comme un père impitoyable. Cela est quelque peu corroboré par des lettres mais nous prenons évidemment quelques libertés avec les faits. Cet homme a des contradictions. Il est passionné par son travail mais peu présent pour sa femme et ses enfants. Je n’étais pas intéressé à jouer un homme à la morale irréprochable et complètement vertueux. Je pense qu’il avait besoin d’avoir des zones d’ombre et ses propres démons aussi. C’est plus intéressant pour le récit.
La série amalgame divers genres, le thriller conspirationniste et la fiction historique. Comment le récit parvient-il à tenir le spectateur en haleine?
Un des objectifs de cette série est de raconter cette histoire à un nouveau public. Certains détails sont extraordinaires et seront nouveaux pour beaucoup de gens. Monica Beletsky a dû faire des choix parmi toutes les informations à disposition et focaliser sur certaines choses. Elle a placé Stanton au cœur de l’histoire pour nous guider dans ce genre particulier, un thriller politique sur une affaire criminelle. C’est une façon d’entraîner le public dans la série et de la rendre captivante à regarder mais sans simplifier les complexités politiques et l’écho qu’elle peut avoir aujourd’hui. Monica voulait absolument aussi mettre en lumière un moment important dans l’histoire de la communauté afro-américaine. Manifestement, la mort de Lincoln a abouti sur l’arrêt de la reconstruction du pays qu’il avait envisagée. Lorsqu’on regarde la série, on sait qu’il aura fallu encore cent ans pour que les droits octroyés à cette communauté entrent en vigueur avec le mouvement des droits civiques dans les années 1960. Cela a quelque chose de poignant.