FranceLe prince des fausses Rolex affronte seul les juges
Un jeune homme accusé d'avoir été à la tête d'un supermarché de contrefaçons en ligne est jugé à Paris. Il se passe d'avocat.
Julien V. se targuait d’être à 25 ans millionnaire et revendeur N°1 en France de montres de contrefaçon. Jugé à Paris, le faussaire de «Prestige», sa griffe, s’est défendu seul, volontiers belliqueux face à l’armada d’avocats de marques de luxe parties civiles.
Le prince déchu est tombé fin 2022, six mois après l’un de ses revendeurs, l’administrateur du canal Telegram «La Genèverie» qui était un supermarché de «bons plans» et qui vaut à huit personnes de comparaître devant le tribunal correctionnel depuis le 4 mars.
Au moment de la chute de cette foire aux faux, Julien V. est déjà dans le collimateur de la fédération horlogère suisse. Un achat test l’a mise sur sa trace. Lui pilote son trafic depuis la Thaïlande.
«Tout est mélangé» dans ce dossier, «vous savez même pas c’que vous racontez!», peste-t-il, doudoune, lunettes et regard noirs, alors que le président retrace son parcours.
Un ex-livreur de pizzas
L’autodidacte né en 1994 à Nice, ex-livreur de pizzas, quitte la France en 2015, direction le sud de la Chine et les usines de Canton, avant de devenir père de famille et millionnaire en Thaïlande, résume le président.
Le prévenu écoute, mâchoires serrées, tapotant de ses doigts tatoués ses bras croisés.
Le président évoque un fournisseur tombé en avril 2021 lors d’une descente de la police chinoise: 38 suspects interpellés, du matériel d’usine d’assemblage saisi et 130 millions de yuans de fonds gelés.
Julien V. continue malgré tout ses affaires, utilisant les réseaux sociaux comme vitrine et WhatsApp comme bordereau de commandes.
Une équipe en Chine s’occupe pour lui de la fabrication des montres et de leur envoi, en prenant soin de les faire transiter via un pays tiers de l’Union européenne avant son arrivée en France, pour leurrer les douanes.
«J’partage pas!»
La production pouvait aller jusqu’à 10 montres par jour, dira-t-il aux enquêteurs qui calculeront une production de quelque 12'000 montres entre 2019 et 2022. Il estime son chiffre d’affaires à 3 millions d’euros.
Interrogé par le président sur le nombre de 67 revendeurs mentionné pendant l’enquête, il sort de son mutisme.
«Je travaillais tout seul! J’ai tellement faim d’oseille que j’partage pas! J’ai 4 millions en bitcoins, j’ai pas besoin des montres, les montres c’est un passe temps», débite-t-il fustigeant une enquête «bâclée de ouf».
Le catalogue de Julien V. contenait quatre gammes de produits, dont 80% de fausses Rolex: les copies chinoises de bonne facture, vendues environ 500 euros, les doublettes – des faux munis de vrai numéros de série – proposées 1300 euros. La troisième gamme comprend des fausses montres munies de vrais mécanismes de mouvement automatique, vendues 6500 euros, et la quatrième, des assemblages de vraies pièces dépassant les 60'000 euros.
«Comme Robin des Bois»...
«Je peux faire du 100% vrai comme je peux faire du 100% faux», et insérer de vrais mouvements «pour «faire plaisir» au client, «pour qu’il paye moins cher», dit le prévenu à la fine moustache.
«Un peu comme Robin des Bois», raille l’avocat de Rolex.
«Suis qu’un intermédiaire, que j’sois là ou pas», les usines chinoises continuent de copier à tour de bras, dit-il en toisant les avocats des parties civiles, lui qui n’a pas choisi de conseil pour le défendre. Et d’accuser des complicités internes dans les réseaux de distribution officielle.
«C’est 100% magouille», «mon silence va s’acheter», menace-t-il.
Pour ce qui est de l’argent des montres, tout «est dilué» dans ses maisons en Thaïlande et la «Lambor», sa Lamborghini, assure-t-il.
«J'escroque pas»
A ses côtés dans le box des prévenus, Florian R., le gestionnaire de «la Genèverie», se montre plus loquace, expliquant «passer par un agent en Chine» qui le fournissait en montres. Pour son marketing, il récupérait les vidéos des fournisseurs sur l’application de messagerie WeChat.
Quand une vraie Rolex se vend entre 5000 et plus de 40'000 euros, les fausses s’achètent 200 et s’écoulent à 400 euros, précise Florian R..
Pourquoi ne pas vendre plus cher?, lui demande-t-on. Sa réponse laisse le président pantois: «C’est des contrefaçons, j’escroque pas les gens. Y a de la concurrence, y a des milliers de vendeurs qui vendent ça en France».
Le procès se poursuit.