FranceDébut d’une bataille politique et éthique sur la fin de vie
Macron a esquissé un projet de loi sur la fin de vie. Les débat ne font que commencer, la loi ne rentrerait pas en vigueur avant 2025.
Le projet de loi sur la fin de vie esquissé par le président Emmanuel Macron a été salué lundi par les partisans d’une «aide active à mourir» en France, mais a indigné certains soignants, les représentants des religions catholiques et musulmanes, la droite et l’extrême droite.
Après un long cheminement, le chef de l’État a livré dimanche, dans les journaux catholique et de gauche La Croix et Libération, ses arbitrages pour un «modèle français de la fin de vie»: une «aide à mourir» qui permettra à certains patients, selon des «conditions strictes», de recevoir une «substance létale».
Le texte, qui traduira une de ses promesses de sa campagne électorale, inclura aussi des mesures pour renforcer les soins palliatifs, insuffisants de l’avis général.
Les patients majeurs «capables d’un discernement plein et entier», atteints d’une «maladie incurable» avec «pronostic vital engagé à court ou moyen terme» et subissant des souffrances «réfractaires» (ne pouvant être soulagées) pourront «demander à pouvoir être aidés afin de mourir», a expliqué le chef de l’État.
Les mineurs et les patients atteints de maladies psychiatriques ou neurodégénératives qui altèrent le discernement, comme Alzheimer, en seront donc exclus.
Le texte sera examiné à partir du 27 mai à l’Assemblée nationale, mais les clivages ont été ravivés dès dimanche soir.
«Inapplicabilité»
Le «soulagement» dominait parmi les défenseurs d’une évolution de la loi, comme le président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Jonathan Denis.
S’il a salué «une avancée», il s’est aussi inquiété d’une «inapplicabilité» vu les multiples critères imposés. Il a appelé les parlementaires à amender le texte pour éviter de «faire voter une loi qui condamnerait encore des Français à partir en Suisse ou en Belgique».
À l’inverse, exprimant «consternation, colère et tristesse», des associations de soignants ont jugé qu’«avec une grande violence, le chef de l’État annonce un système bien éloigné des besoins des patients et des réalités quotidiennes des soignants, avec en perspective de graves conséquences sur la relation de soin».
«Appeler «loi de fraternité» un texte qui ouvre à la fois le suicide assisté et l’euthanasie est une tromperie», a estimé pour sa part le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort, convaincu que cela «infléchira tout notre système de santé vers la mort comme solution».
La vigueur du ton de l’Eglise catholique est inhabituelle, à la hauteur de l’«enjeu immense» que représente la fin de vie pour une Église qui s’est désolée, la semaine dernière, de voir inscrite le droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, une première dans le monde.
Sur une ligne proche, le recteur de la Grande mosquée de Paris Chems-eddine Hafiz s’est dit «très inquiet», estimant qu’«il y a énormément d’ambiguïté sur le suicide assisté, l’euthanasie». «Parler d’aide à mourir, c’est hideux», a-t-il affirmé à l’AFP, en parlant de «mort provoquée».
Droite et extrême droite sont aussi montées au créneau.
À l’approche des élections européennes de début juin, Emmanuel Macron «a décidé de se réfugier dans les questions de société», a ainsi accusé la tête de liste aux européennes du parti de droite Les Républicains, François-Xavier Bellamy.
Pas de loi avant 2025
Le chemin reste long avant une loi, probablement pas avant 2025.
Face aux résistances attendues, le Premier ministre Gabriel Attal a appelé lundi les parlementaires à «un débat apaisé, éclairé, respectueux des positions de chacun», relevant que cette évolution de la loi est «attendue de longue date» et constitue «un progrès».
Comme c’est généralement l’usage sur les sujets de société, les groupes parlementaires ne donneront pas de consigne de vote.
Si la voie est étroite, cette réforme «peut passer», même au Sénat, ancré à droite, a pronostiqué le chef des sénateurs centristes, Hervé Marseille. Car «ça correspond à ce que beaucoup de groupes de gauche souhaitaient et les autres groupes sont partagés».