Sur la RSI, l'appel du pape à négocier avec Moscou passe mal

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Guerre en UkraineSur la RSI, l'appel du pape à négocier avec Moscou passe mal

Sur la chaîne suisse italienne, François a parlé de lever le drapeau blanc, ce qui a ulcéré Kiev et ses alliés.

Le pape François dans l'interview donnée à la RSI.

Le pape François dans l'interview donnée à la RSI.

RSI

Le pape François a appelé à «avoir le courage de hisser un drapeau blanc et à négocier» pour mettre un terme à la guerre en Ukraine «avant que les choses ne s’aggravent», dans une interview donnée à la télévision suisse italienne (RSI), diffusée samedi 9 mars.

«Je crois que les plus forts sont ceux qui voient la situation, pensent aux gens et ont le courage de hisser le drapeau blanc et de négocier», a-t-il déclaré dans cette interview donnée début février, mais diffusée seulement le week-end dernier. «Négocier est un mot courageux. Quand vous voyez que vous êtes vaincu, que les choses ne marchent pas, ayez le courage de négocier», a-t-il ajouté, dans une allusion apparente à Kiev.

Le chef de l’Église catholique a rappelé qu’il y avait de «nombreux» acteurs «prêts à jouer le rôle de médiateurs», «par exemple la Turquie».

«Nous ne nous rendrons jamais»

L’Ukraine a répondu vertement dimanche au Pape, jurant de ne «jamais» se rendre face à la Russie. «Les assassins et les bourreaux russes ne pénètrent pas plus avant en Europe uniquement parce qu’ils sont repoussés par les Ukrainiens, les armes à la main et sous le drapeau bleu et jaune» de l’Ukraine, a déclaré le président Volodymyr Zelensky dans son message vidéo quotidien.

Saluant le rôle des aumôniers de l’armée ukrainienne, il a poursuivi : «C’est là que doit être l’Église, avec le peuple. Et non à 2500 kilomètres de là, avec une médiation virtuelle entre quelqu’un qui veut vivre et quelqu’un qui veut vous détruire», ajouté Volodymyr Zelensky, sans prononcer le nom du pape François.

Son ministre des Affaires étrangères Dmytro Kuleba avait réagi avant lui dans un message sur X. «Notre drapeau est jaune et bleu. C’est le drapeau pour lequel nous vivons, nous mourrons et triomphons. Nous ne hisserons jamais d’autres drapeaux», avait répondu au pape le chef de la diplomatie ukrainienne.

«Quand il s’agit de drapeau blanc, nous connaissons la stratégie du Vatican lors de la première partie du XXe siècle. J’appelle à éviter de répéter les erreurs du passé et à soutenir l’Ukraine et son peuple dans son combat pour la vie», a-t-il ajouté, visiblement en référence à la période de la Seconde guerre mondiale et aux relations de l’Église avec l’Allemagne nazie. Il a néanmoins dit espérer que le souverain pontife «trouvera l’occasion d’effectuer une visite canonique en Ukraine».

Mise au point du Vatican

Dès samedi soir, le Vatican a cherché à corriger le tir en insistant dans un communiqué sur le fait que la formule «drapeau blanc» signifiait ici «une cessation des hostilités, un trêve obtenue avec le courage de négocier» plutôt qu’une reddition.

Après  la prière de l’Angelus, dimanche, le pape François a aussi appelé à la paix «dans l’Ukraine martyrisée».

Mais d’autres officiels ont aussi mal pris ses propos. L’ambassadeur de Kiev au Vatican, Andriï Iourach, a comparé cette suggestion à des négociations avec Hitler pendant la Seconde guerre mondiale. «Si nous voulons finir la guerre, nous devons tout faire pour tuer le Dragon!", a-t-il écrit sur X.

Le primat de l’Église grecque-catholique ukrainienne, qui compte officiellement plus de 5 millions de membres en Ukraine, a, lui aussi, réagi, sans toutefois mentionner clairement le pape. «Croyez-moi, personne n’a dans la tête l’idée de se rendre, même là où les combats se déroulent aujourd’hui», a déclaré Sviatoslav Chevtchouk, samedi, lors d’une messe dans une église de New York où il se trouvait en déplacement.

Une position incompréhensible

Edgars Rinkēvičs, le président de la Lettonie, ex-république soviétique qui a des relations tendues avec Moscou et craint une agression russe, a lui appelé sur X «à ne pas capituler face au mal» mais à le «vaincre» pour que ce soit lui qui «hisse le drapeau blanc».

La ministre des Affaires étrangères allemande Annalena Baerbock a vivement critiqué l’appel du pape, affirmant qu’elle ne «comprenait» pas sa position. «Je pense que certaines choses ne peuvent être comprises que si vous les voyez par vous-même», a ajouté la ministre, qui s’est rendue plusieurs fois à Kiev depuis le début de la guerre.

Mme Baerbock a déclaré que si l’Ukraine et ses alliés «ne font pas preuve de force maintenant, il n’y aura pas de paix». «Nous devons être aux côtés de l’Ukraine et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour garantir qu’elle puisse se défendre», a-t-elle ajouté. L’Allemagne est le deuxième contributeur en matière d’aide militaire à l’Ukraine, après les États-Unis.

Israël et le Hamais renvoyés dos à dos

Interrogé également sur la guerre entre Israël et le Hamas, le pape a imputé la responsabilité aux deux camps. «La guerre est faite par deux, pas par un. Les irresponsables sont ces deux-là qui font la guerre», a-t-il déclaré.

(M.P./AFP)

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