AllemagneScandale des écoutes: Berlin plaide l'erreur individuelle
Si la Russie a pu entendre une conversation de l'armée allemande, ce serait à cause d'une bévue d'un participant.
L’Allemagne a cherché mardi à apaiser les esprits après le scandale d’écoutes par la Russie de l’armée allemande, attribuées à une «erreur individuelle» grave qui ne remet pas en cause, selon Berlin, la confiance des alliés.
La diffusion vendredi en Russie d’une conversation confidentielle entre des officiers de l’armée allemande sur l’aide militaire à Kiev a tourné à l’affaire d’État en Allemagne, et créé un malaise parmi les partenaires du pays.
Les premiers résultats de l’enquête ont montré que les «systèmes de communication de l’armée allemande ne sont pas et n’ont pas été compromis», a déclaré le ministre de la Défense Boris Pistorius lors d’une conférence de presse.
Une connexion non autorisée
L’un des participants, qui se trouvait à Singapour, a accédé à la vidéoconférence via «une connexion non autorisée, donc quasiment une connexion ouverte», conduisant à l’interception de la discussion par les espions russes.
Au même moment se tenait un salon de l’aéronautique, auquel participaient aussi des hauts gradés de pays européens alliés, soit «du pain bénit pour les services secrets russes», a expliqué le ministre, partant du principe que l’accès illicite à la discussion entre les officiers allemands via le canal commercial Webex «était le fruit du hasard dans le cadre d’écoutes à grande échelle».
Pas d'infos ultra-confidentielles
Si Boris Pistorius a reconnu que ces fuites constituaient «une grave erreur qui n’aurait pas dû se produire», il n’en juge toutefois pas moins «gérable» ce qui a été abordé dans cette conversation en termes de niveau de confidentialité. Il y est notamment question de l’hypothèse de la livraison à Kiev de missiles de longue portée Taurus, de fabrication allemande.
Et ce alors même que le chancelier Olaf Scholz, pressé de toutes parts à équiper Kiev de ces puissantes armes de précision d’une portée de 500 km, a catégoriquement réfuté récemment cette éventualité, par crainte d’une escalade du conflit sur le territoire russe.
Le dirigeant avait aussi déclaré ne pas pouvoir suivre l’exemple des Britanniques et des Français, qui livrent des missiles de portée inférieure, en matière «de ciblage des armes», mettant en garde contre le risque que l’Allemagne se retrouve impliquée directement, une déclaration notamment accueillie avec irritation à Londres.
La confiance des alliés est intacte
En dépit de l’émoi causé par ces écoutes, «la confiance» des alliés à l’égard de l’Allemagne demeure «intacte», a assuré M. Pistorius. «Nos partenaires savent que nous enquêterons sur l’affaire de manière déterminée», a-t-il assuré, affirmant n’avoir noté «aucun signe de méfiance» ou d’«irritation» dans ses échanges avec d’autres capitales depuis le début de cette crise.
La Commission chargée des affaires de défense au Bundestag, la chambre basse du parlement, doit tenir une réunion extraordinaire lundi pour faire un point sur l’affaire, a déclaré sa présidente Marie-Agnes Strack-Zimmermann, membre du parti libéral (FDP) allié au gouvernement de centre-gauche d’Olaf Scholz.
Pas d'officiers sacrifiés
Les députés aborderont aussi la question de savoir «dans quelle mesure nos institutions sont préparées à une attaque hybride», a-t-elle déclaré. Boris Pistorius a précisé qu’aucune conséquence individuelle n’était envisagée à ce stade dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte par ses services. «Je ne vais pas faire le jeu du président russe Vladimir Poutine en sacrifiant mes meilleurs officiers», a-t-il précisé.
Le Kremlin cherche à «creuser un fossé entre nous», y compris entre les différents partis politiques allemands et ceux qui souhaitent «plus ou moins de soutien à l’Ukraine», a insisté le ministre.
Lundi, Moscou avait dénoncé «l’implication directe» des Occidentaux en Ukraine. Et le ministère de la Justice russe a inscrit la fondation allemande Friedrich Ebert, proche des sociaux-démocrates de M. Scholz, sur une liste d’organisations indésirables en Russie. Trois autres organisations allemandes ont également été placées sur cette liste.