ArgentineLe président toujours résolu s’adresse à un Parlement encore rétif
Javier Milei n'a pas épargné les députés depuis quelques semaines. Ce soir, il prononce son premier discours de politique générale devant des élus toujours réticents.
Le président argentin Javier Milei prononce vendredi soir son premier discours de politique générale devant un Parlement trop rétif à son goût, mais résolu à avancer avec la dérégulation et l’austérité budgétaire, qui déjà essouffle l’activité, mais donne selon lui de premiers résultats.
«Nid à rats», «délinquants», «traîtres», «corrompus», «symboles de la caste» ... Ces dernières semaines, le président ultralibéral n’a pas épargné les députés, depuis qu’ils ont retoqué son pharaonique train de réformes dérégulatrices, sa «Loi omnibus», même après qu’il eut été détricoté, de 660 à environ 300 dispositions.
Plutôt que de voir le projet découpé en tranches, l’exécutif a préféré le retirer, mais assuré qu’il reviendra devant les députés, sous une forme que Milei devrait préciser dans son discours à une heure «prime time» inédite pour l’ouverture d’une session parlementaire : 21H00 (00H00 GMT) pour que «le plus grand nombre possible d’Argentins puissent écouter le président après leur travail», s’est félicitée la présidence.
À plusieurs reprises, le ministre de l’Économie Luis Caputo, et encore jeudi Javier Milei dans une interview au Financial Times, ont assuré qu’ils n’ont «pas besoin du Parlement pour sauver l’économie», avancer dans leur projet libéral, et que «d’autres réformes» peuvent «se faire par décret».
De fait, les mesures les plus impactantes pour l’économie en près de trois mois de présidence Milei ont été prises par décret (ou non-renouvellement de mesures antérieures) dès les premiers jours : dévaluation de plus de 50%, fin des subventions aux transports, libération des prix, suppression de dizaines de milliers d’emplois publics.
«Tenir» ou «exploser»
Déjà, le gouvernement claironne des résultats macro-économiques --le premier excédent budgétaire mensuel depuis douze ans, en janvier-- et en a annoncé d’autres, comme une inflation folle en décembre (25%) ramenée à 20% en janvier et «plus proche de 10%" en février, selon le ministre Caputo.
Mais dans le même temps, le pouvoir d’achat subit le contrecoup de l’austérité et des prix libérés, la pauvreté augmente : plus de 50% selon un observatoire universitaire, dans l’attente de prochains chiffres officiels. Et l’activité s’assèche, avec de premiers sites industriels (sidérurgie) mis à l’arrêt forcé faute de commandes.
C’est la «stagflation», les «mois difficiles» prédits par Milei lui-même (l’économie argentine devrait se contracter de -2,8% en 2024 selon le FMI) avant un rebond.
En attendant, il dénonce l’héritage de «corruption» et d’incurie, qui devrait occuper une partie de son discours, dégraisse l’État, démantèle des organismes «inutiles» tel un institut contre les discriminations, ou interdit le langage inclusif dans l’administration. Flattant ainsi la partie conservatrice de son électorat, par ailleurs hétérogène.
Et pour l’instant, les sondages le confortent : malgré l’électrochoc de pouvoir d’achat depuis trois mois, son image positive reste autour de 50%, pas loin de son score à la présidentielle (56%), voire en légère remontée ces dernières semaines.
Sur l’économie ««Il fallait faire quelque chose», ou «Il faut accepter et tenir le coup», c’est ce que disent la majorité des électeurs de Milei que nous interrogeons dans nos études», assure à l’AFP le politologue et sondeur Raul Timmerman. Les autres, ceux qui ont voté contre lui, «disent «ça peut exploser à tout moment».
Milei belliqueux, peu enclin aux compromis, mais aussi réaliste. En déplorant «le parlement dans sa configuration actuelle», il a paru, dans plusieurs interviews, se résigner à ce que certaines réformes attendent les élections de mi-mandat (2025) pour espérer un hémicycle plus favorable que l’actuel. Son jeune et petit parti libertarien, La Libertad Avanza, n’y est que la troisième force.
Parlement retors, rue rebelle. Plusieurs organisations sociales et de gauche radicale ont appelé à manifester vendredi à l’heure du discours de Milei aux abords du Parlement.
Sans doute pas la mobilisation du siècle, le grand syndicat péroniste CGT n’est pas de la partie, mais pas à l’abri de tensions : un rassemblement similaire il y a trois semaines a donné lieu à des heurts avec les forces de l’ordre.