Aurélien Wiik rouvre une fenêtre sur les violences faites aux hommes

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#MetoogarçonsAurélien Wiik rouvre une fenêtre sur les violences faites aux hommes

Le mouvement #metoo continue de permettre de libérer la parole des victimes d'agressions sexuelles. L'acteur a osé briser son silence.

Aurélien Wiik a posté en story Instagram sur les agressions qu'il a subit de ses 11 à 15 ans, déclenchant le mouvement #metoogarçons.

Aurélien Wiik a posté en story Instagram sur les agressions qu'il a subit de ses 11 à 15 ans, déclenchant le mouvement #metoogarçons.

Corbis via Getty Images

Le lancement du hashtag #Metoogarçons déclenché par la prise de parole du comédien français Aurélien Wiik a suscité plusieurs centaines de témoignages sur les réseaux sociaux de la part d’hommes victimes de violences sexuelles dont les récits ont longtemps été peu audibles.

Le 22 février, à la veille d’une cérémonie des César (les Oscars français) marquée par une vague inédite d’accusations de violences sexuelles, lancées notamment par l’actrice Judith Godrèche, le comédien de 43 ans indique avoir été «abusé» de 11 à 15 ans par son agent et avoir porté plainte à 16 ans car son agresseur «le faisait à d’autres».

Son message entraîne dans son sillage plusieurs centaines de témoignages sur le réseau social X qui, rapidement, dépassent les frontières du 7e art.

Prenant la parole dans la foulée, le député français Andy Kerbrat (gauche radicale), révèle ainsi avoir été «abusé de (s)es trois à quatre ans par un prédateur, mort depuis donc sans possibilité d’avoir justice.»

«Des gens vous croient et vous aiment (ce qui a été mon cas grâce à mes parents). Vous réaliserez de grandes choses donc continuez à vous exprimer. Si vous le pouvez, allez en justice. On ne guérit pas, mais on se répare. Ensemble», ajoute le député âgé de 33 ans.

«Freins dans la société»

Le journaliste et écrivain français Adrien Borne, 42 ans, qui avait rapporté publiquement dès 2016 avoir été victime d’un pédocriminel, confie s’être «senti bien seul» à l’époque et indique «voir émerger avec un mélange de terreur et de nécessité le #metoogarçons».

Loin d’être nouvelle, la question des hommes touchés par des violences sexuelles a longtemps été éclipsée par celles subies par les femmes, qui représentent une part écrasante des victimes. Selon les chiffres du ministère français de l’Intérieur, 87% des victimes de violences sexuelles en 2022 étaient des femmes. Les mis en cause étaient des hommes à 97%.

Au-delà de la réalité statistique, la question a longtemps été taboue, estime auprès de l’AFP Laurent Boyet, président de l’association Les Papillons, qui avait témoigné en 2017 avoir été violé par son frère quand il avait six ans.

«Il y a des freins dans la société, notamment l’idée qu’un homme ça ne pleure pas, c’est fort, qu’un homme ne peut pas être victime», note-t-il.

«Bien souvent on dit aux hommes victimes : +Ce n’est pas possible parce que tu es un homme, pourquoi tu ne t’es pas défendu?+. Moi, c’est ce qu’on m’a dit», ajoute Arnaud Gallais, président d’une autre association de victimes de violences sexuelles et lui-même victime.

Face à la «solitude»

Pendant longtemps, la vigilance s’est davantage portée sur les filles que sur les garçons concernant les enfants victimes de violences sexuelles, confirme Sébastien Chauvin, sociologue spécialiste des questions de genre. «Les garçons étaient plus libres et pendant longtemps cette possibilité de violence sexuelle était complètement inaudible», étaye-t-il.

Lors d’une rencontre avec l’AFP fin décembre, le réalisateur belge Joachim Lafosse avait estimé que les femmes ayant brisé le silence ces dernières années dans le milieu du cinéma avaient pu le faire «grâce à la sororité, à la communauté, à leur solidarité».

«Alors que, quand tu es un homme et que tu racontes ce qu’il s’est passé, il y a une solitude qui accompagne les mots. Le patriarcat n’invite pas à l’échange des mots entre hommes, il faut être costaud», soulignait-il.

En 2021, la vague de #Metooinceste avait été l’occasion pour de nombreux hommes victimes de pédocriminels pendant leur enfance de témoigner. Ce mouvement avait été suivi par le #MetooGay mais celui-ci posait davantage «la question du consentement dans le monde gay, y compris entre adultes» et occultait, selon le sociologue, les rapports de pouvoir à l’œuvre dans le monde du travail ou les cercles familiaux.

Et maintenant? Pour Laurent Boyet, «l’enjeu n’est plus la libération de la parole mais de savoir si la société va enfin nous entendre.»

(afp)

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