«Ils veulent que tout soit fait secrètement», déplore la mère de Navalny

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Russie«Ils veulent que tout soit fait secrètement», déplore la mère de Navalny

Lioudmila Navalnaïa, qui a pu voir le corps de son fils, dit subir un «chantage» de la part des autorités.

Lioudmila Navalnaïa

Lioudmila Navalnaïa

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La mère de l’opposant russe Alexeï Navalny a affirmé jeudi qu’elle avait pu voir le corps de son fils, après plusieurs jours d’attente, mais a accusé les autorités russes d’exercer contre elle un «chantage» pour l’enterrer secrètement.

Dans les années 2010, avant que la machine répressive ne s’abatte complètement sur lui, Navalny parvenait à mobiliser des foules, en particulier à Moscou, gagnant ainsi son statut d’opposant numéro 1 de Vladimir Poutine.

Et malgré la répression qui a décimé l’opposition, des funérailles publiques pourraient théoriquement mobiliser ses sympathisants.

«Je ne suis pas d’accord avec cela»

«Ils veulent que tout soit fait secrètement, sans cérémonie, ils veulent m’emmener aux confins d’un cimetière, près d’une tombe fraîche, et me dire "ci-gît ton fils". Je ne suis pas d’accord avec cela», a déclaré Lioudmila Navalnaïa, dans une vidéo diffusée jeudi par l’équipe de l’opposant.

Mme Navalnaïa a indiqué avoir été conduite à la morgue et pu voir la dépouille. Elle dit aussi se trouver à Salekhard, la capitale du district de Iamalo-Nénétsie, région du Grand Nord où est mort en détention Alexeï Navalny le 16 février.

Selon sa mère, les enquêteurs ont déjà établi la cause du décès, «et tous les documents juridiques et médicaux sont prêts».

Cause «naturelle»

Selon l’équipe de l’opposant, la cause du décès est inscrite comme étant «naturelle».

«Légalement, ils auraient dû me rendre immédiatement le corps d’Alexeï, mais ils ne l’ont pas fait. Au lieu de ça, ils me font du chantage», a fustigé la mère l’opposant.

«J’enregistre cette vidéo parce qu’ils ont commencé à me menacer. En me regardant dans les yeux, ils disent que si je refuse des funérailles secrètes, ils feront quelque chose de son corps. L’enquêteur (...) m’a dit ouvertement "Le temps joue contre vous, le cadavre se décompose"», a-t-elle raconté.

Selon elle, les pressions pourraient provenir du Kremlin ou du Comité d’enquête de Russie, puissant organe d’investigations.

«Je veux que pour vous, ceux pour qui Alexeï était un être cher, pour qui sa mort a été une tragédie personnelle, il y ait une possibilité de lui dire adieux», a poursuivi la mère de l’opposant.

Pas d’évènement politique

Pour la politologue russe Tatiana Stanovaïa, les autorités veulent à tout prix éviter que des obsèques puissent se transformer en catalyseur pour les Russes qui sont opposés au Kremlin et qui ne peuvent pas l’exprimer publiquement sous peine d’arrestation ou de poursuites.

«Une décision a été prise de convaincre la mère de Navalny de passer un deal. Ils rendront le corps mais à condition que les funérailles ne deviennent pas un évènement politique», a-t-elle écrit sur son compte Telegram.

Des centaines de personnes arrêtées

La police russe a, dans la foulée du décès de l’opposant, arrêté des centaines de personnes venues lui rendre hommage en déposant des fleurs sur des monuments à la mémoire des victimes des répressions soviétiques.

Depuis samedi, Lioudmila Navalnaïa cherchait à avoir accès à son corps, les enquêteurs assurant que des «expertises» étaient nécessaires. Elle s’était même adressée au président Vladimir Poutine pour obtenir gain de cause.

L’équipe du principal adversaire du Kremlin l'accuse d’avoir fait tuer Alexeï Navalny et de chercher à dissimuler ses traces.

Européens et Américains ont, eux, estimé que Poutine et son régime étaient responsables de sa mort, des accusations qualifiées par le Kremlin de «grossières et infondées». Le président russe lui-même n’a pas commenté le décès de son adversaire.

L’Occident «agit comme s’il était à la fois procureur, juge et bourreau. L’hystérie s’agissant de la mort de Navalny le prouve (...) ces gens n’ont aucun droit de s’ingérer dans nos affaires intérieures», a encore dit jeudi depuis le Brésil, en marge d’une réunion du G20, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.

(AFP)

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