À Yverdon, immersion dans l'ailleurs

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ExpoÀ Yverdon, immersion dans l'ailleurs

Pour sa dernière exposition en tant que directeur de la Maison d'Ailleurs, Marc Atallah invite les visiteurs à vivre une autre vie et à y réfléchir dès le 24 février.

Laurent Flückiger
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Laurent Flückiger

Il y a dix ans, dans les musées, on ne parlait que d'interactif. Aujourd'hui, la mode est à l'immersif. Rien qu'à Lausanne, on a pu voir dernièrement l'expo Tintin, tandis qu'«Immersion» se termine au MCBA. Un peu avant, on nous proposait de littéralement plonger dans les œuvres de Frida Kahlo et Van Gogh. L'art transformé en «parc d'attraction», comme l'appelle Marc Atallah. Car si c'est ludique, sympa, beau, cela n'amène malheureusement aucune réflexion.

Pour sa dernière exposition en tant que directeur de la Maison d'Ailleurs, à Yverdon-les-Bains (VD), le Romand de 45 ans invite aussi les visiteurs à s'engouffrer dans d’autres mondes, mais, surtout, à en ressortir afin de penser à ce qu’ils ont vécu. Si «Une autre vie?», à voir jusqu'au 5 janvier 2025, ne sera peut-être pas sa réalisation la plus populaire, elle a le mérite de ne pas se contenter du spectaculaire.

Au musée, on traverse plusieurs salles où le virtuel et les écrans tiennent une place majeure. Ici, des séquences de films mettent en avant le 4e mur appelé aussi la métalepse, un procédé par lequel un ou des éléments d'un récit franchissent le seuil qui le sépare d'un autre qu'il contient ou qui le contient. C'est le cas d'«Inception» ou «Dans la peau de John Malkovich». Là, on entre dans des tableaux de Hodler, Böcklin et Vallotton. Avec un narratif. Ce n'est pas juste contemplatif. 

«Cette expo casse l'immersif»

Ailleurs, on s'immerge dans cinq images des artistes Paul Hegi et Antón de Macedo, basés à Genève, et générées par intelligence artificielle. La réflexion se fait quand on sort du cadre. «On passe son temps à entrer dans un personnage mais on ne le conscientise pas tant qu'on est dans l'histoire», explique Marc Atallah. Au dernier étage, les visiteurs peuvent vivre huit expériences à l'aide d'un casque VR dans un espace qui fait le lien avec «2001, l'Odyssée de l'espace» de Kubrick. Avec cette idée: quand on voit une fiction, on naît à nouveau. En effet, une fois sorti de l'histoire, on a un autre point de vue sur le monde.

Enfin, dans une pièce, nos portraits s'affichent sur des corps dans une fresque monumentale mappée. Des bugs dans les projections interviennent pour nous rappeler alors que c'est de la fiction. «Cette expo casse l'immersif, résume Marc Atallah. Je ne m'étais pas rendu compte avant de la monter, mais elle condense aussi tout ce que j'ai fait à la Maison d'Ailleurs en treize ans.»

Un départ annoncé en 2020

Celui qui est aussi maître d'enseignement et de recherche à l'UNIL quitte la direction de la Maison d'Ailleurs après avoir fait passer la fréquentation moyenne annuelle de visites du musée de 9000 personnes en 2010 à une moyenne de 19 000 visiteurs. Après, aussi, des problèmes de gouvernance révélés dans la presse il y a deux ans. En automne dernier, un audit qui avait suivi l’affaire avait écarté toute infraction pénale mais avait préconisé trente recommandations.

En 2020, vernissant «Je est un monstre», Marc Atallah confiait au matin.ch vouloir faire encore deux expositions supplémentaires avant un probable départ de l'établissement yverdonnois. Il en aura finalement fait trois, s'immergeant dans la Maison d'Ailleurs durant plus d'une décennie avant d'en sortir.

«Une autre vie?», Maison d'Ailleurs, Yverdon-les-Bains, du 24 février 2024 au 5 janvier 2025 (mardi-dimanche 11 h-18 h). À voir aussi dans l'Espace Jules-Verne l'expo dédiée aux jouets «So Eighties». Infos: ailleurs.ch

Un nouveau festival autour du numérique

En plus de son poste à la Maison d'Ailleurs, Marc Atallah a quité son poste de directeur de Numerik Games, festival des cultures numériques qu’il a fondé à Yverdon-les-Bains en 2015. Il souhaitait «un dédoublement» du projet avec une édition lausannoise qui lui a été refusée. Mercredi, il a annoncé le lancement du Digital Dreams Festival du 6 au 8 septembre 2024 sur le site de l'UNIL.

«L’Association Numerik Games n’a pas voulu se développer sur un autre lieu qu’Yverdon. Et je n'ai pas voulu rester en sachant que cela aurait pu se faire», explique Marc Atallah. Le Romand de 45 ans a créé une société baptisée nARTative spécialisée dans l'événement culturel pour mettre à disposition les compétences qu'il a su élargir à Yverdon.

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